Avec son documentaire « La Mécanique des Sens », Lou Carenar ouvre le débat sur la sexualité masculine

Je rencontre Lou Carenar en septembre à Paris dans le studio où elle est en train de tourner avec sa (toute) petite équipe. Son documentaire, intitulé La Mécanique des Sens, soulève les tabous de la sexualité chez les hommes, sa sortie est prévue pour la fin d’année. 

Malgré le masque, on devine la bienveillance et l’énergie créatrice de la jeune femme. Rien qu’à voir ses yeux pétillants et la façon dont ses boucles dansent autour de son visage quand elle parle de ce projet qu’elle aime tant… A 26 ans, Lou est originaire d’un petit village de la région lyonnaise. Elle a étudié la philosophie pendant plusieurs années avant de se lancer dans une formation de réalisatrice. Depuis, elle est « indépendante en réalisation et aussi en photographie » et se définit comme  une « féministe intersectionnelle ». 

Lou Carenar et Clotilde Boudet
Rencontre avec Lou Carenar – Photo : faire.genre

Parler aux hommes pour aider les femmes

En 2018, elle crée le compte Instagram faire.genre dans le but de « parler de masculinité »… Elle ajoute aussitôt, comme une parenthèse, « mais aujourd’hui, j’y parle de tous les genres ». Pour la jeune femme, pas de doute, « il est important que les hommes se rallient à la cause féministe ». Pour apaiser tout malentendu, elle poursuit vite : « Je comprends tout à fait qu’on ait tendance à vouloir être un peu misandre, à force d’entendre toutes les injustices et les inégalités… ».

L’égalité justement, Lou Carenar la veut pour tout le monde. « Quand j’ai compris qu’il y avait des stéréotypes qui pesaient aussi sur les hommes et que si eux travaillaient dessus ça aiderait ensuite les femmes, là j’me suis dis : y’a un travail à faire ! » Elle trouve des réponses à certaines de ses questions dans le livre de la philosophe, psychologue et féministe américaine Carol Gilligan Pourquoi le patriarcat ? : « elle dit que le sexisme est la seule oppression qui touche les dominants autant qu’elle leur donne des avantages…», m’explique Lou, « des avantages incontestés et incontestables ! »

L’ambition de Lou, c’est de parler de ça, de prendre des photos à ce sujet, pour déconstruire cette domination et les méfaits qu’elle apporte à toute la société. Son objectif ? « Développer un autre idéal ».

Orgasme ou pas orgasme ?

Quand je lui demande comment lui est venue l’idée du documentaire, elle m’explique avoir « baignée dans la théorie du genre et de la masculinité » avec son compte Instagram, mais avoir été, au fond, plus intéressée par les sentiments. Pourtant, « avant la sexualité des hommes, je m’étais jamais posé de question à ce sujet… », elle balaie l’idée de la main, « pour moi, les questions sur la sexualité touchaient plus les femmes ou les personnes qui s’identifiaient comme femme. » La jeune réalisatrice égrène ensuite les clichés : « On nous a toujours dit : c’est plus difficile pour vous, les femmes jouissent moins etc. Les hommes ? C’est hyper facile pour les hommes ! » 

Backstage du tournage de La mécanique des sens – Photo : faire.genre

Jusqu’à ce « gars » qui lui avoue un jour n’avoir jamais eu d’orgasme. « J’éjacule mais je n’ai pas de plaisir quand je le fais, je n’en ai jamais eu », lui raconte-t-il. Pour Lou, cet homme est forcément un cas à part, elle confesse avoir pensé « le pauvre, il doit avoir un problème, il devrait consulter ». Et puis, conduite par sa curiosité, elle se met à interroger ses amis sur le sujet. « Le discours qu’on me tient n’est pas du tout celui auquel je m’attendais » explique-t-elle, au lieu des « Pff tu rigoles, sans problème », elle reçoit des « Bah j’avoue que je ne sais pas… » Et pour Lou, pas de doute : « Un orgasme, c’est quelque chose que tu sais quand tu le vis, tu peux mettre des mots dessus, donc si tu ne sais pas… »

Elle parle, à juste titre, de « flou » et se lance dans des recherches. « Rien, rien du tout ! » s’exclame-t-elle, « même au niveau universitaire, presque aucune étude n’a été faite à ce sujet. » Elle évoque la solitude que doivent ressentir certains garçons et hommes face à cette désinformation et le « presque » soulagement qu’elle a ressenti en se disant : « En fait, c’est pareil pour eux.  Hommes et femmes, on est dans le même bateau ! ». De là, le projet de La Mécanique des Sens a vu le jour !

« Poser le problème et ouvrir le débat »

Ils sont une dizaine, s’appellent Romuald, Luc, Adel, Jérôme… La seule chose qu’ils ont en commun, c’est d’être des hommes, ou de s’identifier comme tel, et d’avoir été interviewés par Lou, face caméra, pour parler de leur rapport parfois compliqué à la sexualité. « L’idée, c’est d’être au plus proche de l’intime et de l’expérience de chacun. » La voix off, quant à elle, développe l’enquête que Lou Carenar et ses équipes ont mené. 

Quand je l’interroge sur la complexité de parler en 1h30 d’un sujet si vaste, Lou confirme que La Mécanique des Sens a été pensée pour « poser le problème et ouvrir le débat ». « Les gars, y en a qu’on a interviewé pendant une heure, donc une personne pourrait être un film », explique-t-elle. Sauf que l’objectif n’est pas de parler de la vie sexuelle d’un homme, mais bien de montrer à quel point les expériences peuvent être multiples et qu’elles sont loin d’être les clichés qu’on s’imagine, racontés par un apollon sûr de lui et ultra performant… La sexualité masculine finalement, est elle aussi « presque tabou » comme l’a constaté la jeune réalisatrice. « Il suffit de dire : orgasme masculin… Ça sonne bizarre, on n’entend pas cette expression…».


Financé grâce à une campagne de crowdfunding, le tournage a duré deux mois et le film est actuellement fini d’être monté. Des extraits ont été diffusés courant septembre sur la page Instagram faire.genre pour une sortie prévue en fin d’année. Affaire à suivre donc pour La Mécanique des Sens, un documentaire important dont Meufer est fière d’être partenaire, qui vise à lever le voile des préjugés pesant sur la sexualité masculine… Pour que cessent les complexes et la pression sociale ; et pour que le sexe soit enfin et pour tout le monde ce qu’il devrait toujours être : du désir, du plaisir, une connexion avec l’autre et/ou avec soi et puis c’est tout !

Clotilde Boudet
Clotilde Boudet

Tu vois la meuf qui parle de cul hyper fort en terrasse en mettant parfois ses voisins méga mal à l'aise ? C'est moi. Je m'appelle Clotilde, j'ai 27 ans, je suis parisienne et journaliste spécialisée dans le lifestyle (le style de la life quoi).

A 17 ans je pensais être une rebelle et finalement, je suis devenue un vrai cliché : j'aime plus Paris, je jardine, cuisine, médite, voyage. J'aime mon chat (sauf à 5h du mat, les proprio de félins savent...). Mais SURTOUT, j'aime écrire et débattre et croire qu'avec pas grand chose, chacun à son échelle, on peut changer le monde.

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