Journaliste, autrice, réalisatrice, conférencière… Le parcours Rokhaya Diallo impressionne et inspire. Portrait d’une activiste anti-raciste écoutée dans le monde entier.

Née à Paris le 10 avril 1978, Rokhaya Diallo grandit à la Courneuve, dans un milieu modeste. Après le lycée, elle étudie le droit international et européen. En 2000, elle fait un bref passage chez le géant de l’informatique IBM avant d’entamer un Master dans l’audiovisuel à l’université Panthéon-Sorbonne. Dans une interview pour le magazine Elle, elle confie :
À Assas ou dans mon école de commerce, on n’était que deux Noir.e.s dans la classe. J’étais la seule à venir de banlieue et à être boursière. On m’a convoquée dans un conseil de discipline et fait la morale : « On vous donne vos chances, alors vous vous tenez à carreau. » J’ai compris que je devais cet avertissement au fait qu’on m’associait à une provenance étrangère.
Les Indivisibles
C’est cette prise de conscience qui la pousse à fonder l’association Les Indivisibles. Cette association vise à déconstruire les préjugés racistes par la satire, notamment à travers les Y’a bon Awards, une cérémonie qui “récompense” les interventions racistes des personnalités publiques.
Son master en poche, elle entame une carrière dans l’audiovisuel en luttant contre le racisme, le sexisme et pour les droits des minorités.
En 2010, le débat houleux entre Rokhaya Diallo et Eric Zemmour sur Canal + à propos des races et des contrôles au faciès finit de la positionner comme l’activiste anti-raciste numéro 1 dans les médias français.
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La lutte anti-raciste sur tous les fronts
Née de parents sénégalais et gambiens, dans un milieu modeste, Rokhaya a pourtant réussi à se hisser dans des sphères médiatiques françaises très opaques aux femmes, encore plus aux femmes racisées.
Depuis plus d’une décennie, elle eenchaîne les interventions sur les plateaux télé et les chaînes de radio pour que la France reconnaisse son racisme systémique.
En 2011 elle publie Racisme, mode d’emploi, un livre pour éveiller les consciences sur le racisme ordinaire. 4 ans plus tard, elle publie Moi raciste ? Jamais !, qui regroupe plus de 600 témoignages de victimes de racisme en France.
Ces mécanismes du racisme, elle essaye de les rendre intelligibles dès le plus jeune âge avec deux autres ouvrages : Comment parler de racisme aux enfants, paru en 2013 ; et Comment parler de laïcité aux enfants, paru en 2015.
Elle réalise de nombreux documentaires sur le sujet, dont le dernier en date “Où sont les noirs ?” qui s’interroge sur la représentation des acteurs et actrices noires au cinéma et à la télévision. En 2018, elle lance également le podcast Kiffe ta race en collaboration avec Grace Ly, militante contre l’asiaphobie.
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Une activiste décriée par les médias français…
Racisme d’État, islamophobie, culture du viol, pédocriminalité… Rokhaya Diallo n’hésite jamais à aborder des sujets qui fâchent. C’est d’ailleurs bien ce qui dérange ses détracteurs : elle n’hésite jamais à s’attaquer à la fameuse “exception française”. Celle qui voudrait placer la France, le pays des lumières et des droits de l’Homme, au-dessus des autres pays, la rendant automatiquement incapable de discrimination.
Une position qui lui vaut d’essuyer de nombreuses injures racistes et appels à la haine.
En octobre 2020, elle est accusée par l’écrivain Pascal Bruckner d’avoir “armé le bras des tueurs” et “entraîné la mort des 12 de Charlie Hebdo”. La réalité ? Au moment des attentats en 2011, elle avait tenu à dénoncer l’islamophobie dont fait régulièrement preuve l’hebdomadaire satirique.
Fin décembre, Sud Radio diffuse à l’antenne le commentaire raciste, sexiste et grossophobe d’une auditrice au sujet de Rokhaya Diallo, devant la passivité complète des animateurs. Cette dernière finit par saisir le CSA et porter plainte contre l’auditrice.
L’accueil qui lui est réservé à l’antenne et sur les réseaux sociaux ne fait que confirmer son propos : la France a un problème de racisme et de sexisme.
… mais reconnue à l’étranger
À l’instar du Time Magazine qui fait figurer Assa Traoré parmi les “Gardiens de 2020”, Rokhaya Diallo et son combat contre le racisme d’État impressionnent à l’étranger.
En août 2020, elle rejoint les contributrices du réputé Washington Post. En décembre, elle est nommée parmi les 28 personnes les plus influentes d’Europe par le média Politico.
Reconnue pour sa connaissance des luttes féministes et anti-racistes, Rokhaya Diallo est écoutée à l’étranger, particulièrement pour ses analyses politiques et sociologiques de la France. Lorsque l’on connaît la manière dont Macron soigne son image dans les médias anglo-saxons, la voix de Rokhaya a le pouvoir de frapper l’Élysée là où ça fait mal.