Rémie Akl, l’une des puissantes voix de la révolution libanaise

Rémie Akl est une artiste performeuse libanaise. Dans une vidéo devenue virale, elle dénonce les violences subies par les femmes libanaises sous toutes leurs formes. Avec « Baklava », Rémie Akl se positionne à nouveau comme l’une des figures de la révolution dans son pays.

rémie akl
Capture d’écran du clip vidéo « Baklava » de Rémie Akl

Quand j’ai découvert « Baklava », j’en ai eu des frissons. Une voix perçante, des mots percutants, un clip poignant. La recette parfaite pour un rap devenu viral. L’artiste à remercier pour cette chanson ? Rémie Akl, une Libanaise de 28 ans. La vidéo, postée en décembre 2020, fait partie de la campagne virtuelle #SafetyforSafekeepers de l’ONG Abaad. Une association qui promeut la paix et la sécurité pour les femmes libanaises.

« Dans nos rues libano-arabes et notre système patriarcal, les femmes sont surnommées “Baklava”. » Dès la première phrase, on comprend que la performeuse ne compte pas se laisser faire. Le regard vif, la tête droite, elle soutient l’œil de l’internaute. Le clip compte aujourd’hui près de quatre millions de vues.

Clip vidéo « Baklava » de Rémie Akl issu de Youtube

A l’origine, un baklava est une pâtisserie orientale à base de pâte feuilletée, de noix et de miel. Mais au Liban, ce mot a une autre signification. Rémie Akl nous explique : « Une femme passent devant une voiture conduite par un homme et ce dernier lui dit “Alors, je vois qu’une Baklava peut marcher dans la rue maintenant ?” Cette “Baklava” dont tu parles et qui adoucit ta vie, est terrifiée par toi de jour comme de nuit, du lever au coucher du soleil. Parce que tu es une menace. »

Au cours des 2min39 que dure la vidéo, l’artiste libanaise s’en prend à toutes les formes de violences subies par les femmes. Harcèlement de rue, violences conjugales, mariages forcés, agressions sexuelles… Tout y passe. Avec aplomb, elle bouscule les préjugés et les stéréotypes en dénonçant un système d’oppressions mondial. Elle s’identifie à toutes les femmes : la mère, l’épouse, la fiancée, ou une simple anonyme. Elle est la voix de celles qui n’en ont pas. Un message fort porté par une jeune femme qui n’en est pas à son coup d’essai.

Un esprit créatif et audacieux

Originaire d’Aïn el-Remmaneh, un quartier de Beyrouth, Rémie grandit entourée de ses parents et d’un grand frère. Pendant quinze ans, sa famille a vu la guerre civile se dérouler quotidiennement sous sa fenêtre. Même si elle ne l’a pas directement vécue, Rémie porte aussi les stigmates de ces événements. Mais plutôt que de refouler ces sentiments, elle en a fait une force.

« Je combine toutes les formes d’art pour créer un impact social. L’héritage arabe oriental est ma cause puisque je suis Libanaise. La rue est ma langue puisque j’ai grandi dans la rue. La modernité est mon mélange », écrit-elle sur son compte Instagram. Dès son plus jeune âge, Rémie Akl fait preuve d’une créativité sans limites. Elle est notamment soutenue par son père Milad, ancien danseur de ballet, qui lui apprend tout ce qu’il sait. « A 16 ans, j’étais autodidacte et n’avais pris aucun cours de chant ou de danse, si ce n’est les conseils de mon père », rapporte le journal L’Orient-le Jour.

Capture d'écran du compte Instagram @remieakl
Capture d’écran du compte Instagram @remieakl

Au cours de ses études audiovisuelles à l’université libanaise, Rémie Akl se démarque déjà de ses camarades. En guise de projet de diplôme, elle réalise un film qui interroge la virginité… et où elle figure nue. Plutôt osé dans un pays où le sexe avant le mariage est tabou. « Je suis toujours sortie des rangs, mais silencieusement, en l’imposant certes, mais sans avoir à le hurler ou le brandir », explique-t-elle dans L’Orient-le-Jour. Elle réalise ensuite un master II en cinéma à l’Université Lumière de Lyon avant d’intégrer la boîte de nuit O, tenue par le compositeur Michel Fadel.

Engagée pour que le « Liban respire »

Mais elle doit arrêter ses performances en octobre 2019. A cette date, de nombreuses protestations explosent un peu partout dans les rues libanaises. Ces dernières sont la démonstration d’un ras-le-bol général de la population face à l’échec du gouvernement à trouver une solution à la crise économique qui menace le pays. « Plus de la moitié de la population se retrouve sous le seuil de pauvreté, selon l’ONU, et la part de ceux qui vivent dans l’extrême pauvreté a explosé, passant de 8 à 23% », explique Radio Canada.

C’est à la même époque que Rémie Akl commence à se faire connaître au-delà des frontières libanaises. Pour répondre à ces événements, l’artiste poste en effet cinq vidéos sur son compte Instagram. Elle y dénonce la corruption du gouvernement, l’immobilisme politique (les élus sont quasiment les mêmes depuis la fin de la guerre civile) mais aussi l’inaction de ses concitoyens. Les manifestations d’octobre 2019 représentent aussi la première fois que les femmes libanaises descendent dans la rue en si grand nombre. Ses vidéos font rapidement d’elle l’une des figures féminines de la révolution libanaise.

« Cette révolution appartient à une personne en particulier et cette personne, c’est toi. Donc après avoir vu, participe. Participer n’est pas une trahison. Et écoute, je suis sûre que tu veux une nouvelle mémoire. Tout comme moi. Je veux une nouvelle mémoire », rappe Rémie dans l’une de ses vidéos. L’artiste veut « une nouvelle mémoire » pour effacer les traumatismes de la guerre civile, de la crise économique, de la crise sociale qu’a enduré et endure toujours son pays. Fière d’être Libanaise, elle veut se battre pour son pays. Pour qu’enfin les choses changent. « Aujourd’hui, je ne veux qu’une chose : que le Liban respire économiquement, politiquement et socialement. »

Yleanna
Yleanna

Après trois années d'études de journalisme, j'ai fait un service civique en Équateur dans une association luttant contre les violences faites aux femmes.
Mon féminisme s'est construit aux côtés de ces femmes et de ma mère, présidente d'asso.

Grande gueule, j'adore les débats. Je suis aussi végétarienne, fan des gros chiens et de l'odeur des livres neufs. Et mes amies vous diraient que je suis une danseuse hors pair !

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