A tout juste 26 ans, Pauline Rapilly-Ferniot est élue écologiste au conseil municipal de Boulogne Billancourt. Portée par des convictions fortes et un militantisme pluriel, elle incarne une génération exigeante, engagée pour le climat et constamment dans l’action.
Parmi les dizaines de vidéos qui défilent chaque jour sur votre fil Facebook ou Instagram, peut-être connaissez-vous celle qui a révélé Pauline Rapilly-Ferniot.
Nous sommes le 11 février 2021. Lors du conseil municipal de la ville de Boulogne Billancourt, qui portait notamment sur la lecture d’un rapport sur l’égalité femmes-hommes dans la ville, une élue de l’opposition, Pauline, décide de pointer du doigt les comportements sexistes au sein de l’équipe municipale.
Alors que l’élue prend la parole, le maire lui coupe son micro. « Vous arrêtez vos petites attaques perfides, individuelles, c’est indécent », lui assène t-il d’un ton infantilisant. Pratique courante en politique, aujourd’hui en 2022, un homme qui coupe la parole à une femme porte un nom : ça s’appelle du manterrupting.
La scène est filmée au smartphone puis diffusée sur les réseaux sociaux. L’émoi est général et ce flagrant acte de sexisme ordinaire suscite un flot de messages de soutien pour l’élue. « C’était mon moment de gloire » ironise Pauline sans y accorder plus d’importance. Quelques mois plus tard, cette histoire ne lui inspire plus que de l’indifférence : « Sur le moment je me suis sentie un peu humiliée, puis je me suis rendue compte que c’était lui qui était ridicule.»
« Pauline vit de son militantisme, c’est une implication totale »
A l’époque, Pauline ne siège que depuis peu de temps. Elue lors des élections municipales de 2020, elle sait que la présence d’une femme de 26 ans au conseil municipal d’une ville tenue par un maire LR depuis 2008, peut déranger. Pour Robin Perera, qui a travaillé avec elle durant la primaire écologiste au sein de l’équipe de soutien d’Eric Piolle, ce mandat « illustre parfaitement son courage et sa volonté politique de conquérir des territoires éloignés de l’écologie politique. »

Un engagement total puisque à côté de ses actions locales qu’elle relaie régulièrement sur Twitter et Youtube, Pauline semble partout. Lorsqu’elle souhaite défendre une cause, le dire ne suffit pas : elle agit. Manifestations pour défendre le droit des migrants ou contre les féminicides, défense des animaux et de l’environnement aux côtés des associations, « Pauline vit de son militantisme et c’est une implication totale » résume Robin Perera.
J’espère qu’ils vont croire que c’est vraiment mère nature comme ça ils arrêteront de mettre des déchets partout
Pauline Rapilly-Ferniot
Une hyperactivité peut-être symptomatique de son éco-anxiété. Sa plus grande peur reste depuis toujours l’immobilisme face à la crise environnementale. « Mon premier souvenir de prise de conscience écolo c’était en classe verte » raconte Pauline. Lors d’une balade en forêt, une animatrice, déguisée en mère nature, sensibilise les enfants à la défense de l’environnement. Pauline, qui comprend que ce n’est qu’une mise en scène, se souvient s’être dit : « j’espère qu’ils vont croire que c’est vraiment mère nature comme ça ils arrêteront de mettre des déchets partout ».
La rencontre avec Europe Ecologie les Verts
Une conscience politique précoce qu’elle ne sait pas vraiment expliquer. Pauline Rapilly-Ferniot est née le 25 juillet 1995 à Sèvres, une ville proche de Boulogne Billancourt en banlieue parisienne. Elle grandit dans une famille qui n’est pas spécialement politisée, bien qu’elle confie, amusée, une découverte qu’elle a faite récemment : deux de ses arrières grand-pères étaient maires, l’un en Normandie, l’autre de Mégrine en Tunisie.
Elle passe son adolescence sur les bancs du collège et lycée Jean de La Fontaine à Paris où elle ne tarde pas à s’engager, à sa manière. Lorsqu’elle est élue déléguée de sa classe au lycée, elle signe sa première victoire écologique : elle retire le lapin de tous les menus de la cantine de son lycée pour le remplacer par un steak de soja.

A l’Université Paris 8, étudiante en histoire et sciences politiques, elle commence ses premières actions militantes, consacrant beaucoup de son énergie dans des associations venant en aide aux exilés. Puis un jour, Pauline se rend à une réunion organisée par l’écologiste Julien Bayou, alors candidat aux législatives. Elle se reconnaît dans sa manière de faire de la politique, à la fois dans les institutions tout en restant activiste, et c’est ce qui la convainc d’adhérer à EELV en décembre 2018.
« Cela faisait trente ans qu’on essayait de monter une liste mais c’était très difficile, et Pauline a réussi »
Dès cette étape politique franchie, Pauline s’engage activement dans le groupe EELV local de Boulogne Billancourt. Son dynamisme se fait remarquer et on l’appelle pour devenir tête de liste aux municipales de 2020 sur Boulogne, à tout juste 25 ans. Une entrée dans le monde politique qui lui paraît importante. « Aujourd’hui ceux qui décident c’est ceux qui ont le pouvoir donc si on les remplace pas ça ne va pas changer » affirme t-elle fièrement. Elle passe des mois à trouver les 55 personnes nécessaires pour monter une liste, contactant à la chaîne ses ami·es d’enfance, des proches de ses parents et des groupes écologistes de Boulogne sur les réseaux sociaux.
« C’est essentiellement Pauline qui a permis qu’on aille au bout de cette campagne », confie Remi Lescoeur, deuxième de liste et aujourd’hui élu au côté de Pauline. « Cela faisait trente ans qu’on essayait de monter une liste mais c’était très difficile, explique t-il, et Pauline qui a su se montrer convaincante a réussi ». Le soir des résultats, le maire Les Républicains Pierre-Christophe Baguet est réélu au premier tour, mais les écologistes réussissent à obtenir deux sièges. Pauline devient élue de l’opposition.
« Elle est peut-être détestée par certains mais ça l’arrange »
Pour sa mandature, elle reste lucide. Face au 45 élu·es de la majorité, elle sait qu’elle n’a pas de pouvoir. C’est pourquoi, elle conçoit ses missions en deux temps. D’abord, elle utilise activement ses réseaux sociaux pour relayer des informations sur la ville de Boulogne « afin que cela puisse servir dans des luttes citoyennes ». Surtout, elle se bat pour faire exister des sujets en conseil municipal « dont le maire ne veut pas forcément parler », au premier rang desquelles les questions écologiques.
Tellement activiste que ça fait peur
Rémi Lescoeur
« Elle est peut-être détestée par certains mais ça l’arrange » confie son associé politique Remi Lescoeur. Pugnace, téméraire, et parfois « tellement activiste que ça fait peur à certains », Pauline n’oublie pas que son objectif a toujours été et sera toujours de sauver la planète. Une lutte sur le long terme qui, pour l’instant, passe par la poursuite de son chemin en politique. Prochain défi : les législatives où elle souhaite être candidate dans la circonscription de Boulogne, bastion de la droite sarkoziste. Cela sera dur, mais au pire, elle n’a pas peur des gamelles. Pour la suite, elle ne se projette pas plus loin mais est sûre d’une chose : « mon engagement changera peut-être de forme mais je n’arrêterai jamais ».