Elizabeth Swann : l’héroïne affranchie de Pirates des Caraïbes

Qui n’a jamais rêvé d’être aussi badass qu’Elizabeth Swann en regardant les films “Pirates des Caraïbes ” ? La fille du gouverneur, aussi intelligente et courageuse soit-elle, a pourtant dû encaisser bien des remarques et comportements douteux avant d’être finalement acceptée, respectée et appréciée à sa juste valeur. Comment Elizabeth Swann, celle que tous voyaient comme « la demoiselle en détresse », s’est-elle élevée au titre de « Capitaine Swann, Reine du tribunal de la Confrérie » ? 

Elizabeth Swann, illustration par Solène Ciesla
Illustration par Solène Ciesla

Ça porte malheur d’avoir une femme à bord !

Cette phrase en forme d’adage est prononcée à deux reprises par des pirates dans le premier film de la série : La Malédiction du Black Pearl. À défaut d’être sensée, elle nous permet au moins de comprendre le système dans lequel Elizabeth Swann évolue : un monde patriarcal et sexiste dans lequel le masculin l’emporte sur le féminin. 

Une femme sans cesse sexualisée

« Femelle », « poupée », « ma jolie », « donzelle », « ma colombe », « chérie » ; les pirates s’en sont donné à cœur joie lorsqu’il s’agissait de s’adresser à Elizabeth Swann. Son corps est constamment soumis à des regards lubriques. L’héroïne est humiliée par Barbossa et ses hommes lorsque ce Capitaine lui demande de se déshabiller avant de se jeter à l’eau. Cette sexualisation apparaît encore dans le second film : Le Secret du coffre maudit. Dès les premières minutes, la fille du gouverneur est perçue comme un morceau de viande pour les pirates en prison. Enfin, dans le troisième opus, Jusqu’au bout du monde, un homme du Capitaine Sao Feng lui demande, sourire aux lèvres, de se dévêtir. Sa justification : « Croyez-vous que parce que c’est une femme, elle n’est pas suspecte de traîtrise ? » Et bien sûr, personne ne riposte. Dans ce troisième opus,  elle est un objet de désir : de Ragetti, le pirate qui se permet de regarder sous sa jupe à travers des planches de bois ; ou encore du Capitaine Barbossa, qui lui touche le visage comme si elle était sa chose. Ensuite, elle devient un outil de négociation lorsque Sao Feng se sert d’elle comme une monnaie d’échange. Chosifiée, Elizabeth Swann sera par la suite embrassée contre son gré (apparemment le consentement est une option) par le Capitaine de Singapour, Sao Feng. 

Une femme intelligente avec une sacrée répartie

Être jolie et féminine, porter de belles toilettes, se marier et « se comporter comme une femme » (on apprend dans le premier film qu’il n’est pas convenable qu’elle s’adresse à un autre homme que son époux), ce n’est pas sa tasse de thé. D’autres appétits la taraudent : une curiosité insatiable et un goût immodéré pour l’aventure. 

Dans La Malédiction du Black Pearl, son discours, en matière de corset, prône la libération féminine. Ce vêtement qui l’empêchait de respirer a bien failli lui coûter la vie. C’est probablement cette mort évitée de justesse qui est à l’origine de sa célèbre réplique à la fin du film : « Vous aimez souffrir ? Essayez de porter un corset ! ». 

Rusée, elle esquive une nouvelle fois la mort à l’aide d’un unique mot : « pourparlers ». Et c’est aussi ce mot qui fera basculer sa vie à tout jamais, puisqu’il lui permettra de faire ses premiers pas dans le monde, si incroyablement sexiste et plein d’a priori sur les femmes, des pirates. Elizabeth Swann saura pourtant se montrer courageuse et entreprenante, voire menaçante et intimidante.

T’as pensé à la surveiller ? à l’enfermer quelque part ?

L’auteur de ces charmants mots, c’est Jack Sparrow. La femme dont il parle, c’est Elizabeth Swann. Elle est constamment perçue comme une femme faible, incapable de se protéger elle-même… Est-ce réellement le cas ?

Une adaptation nécessaire dans un monde masculin 

Elizabeth Swann
Photo Jason Burrows – Flickr

Portez une robe ou rien

Quand Jack Sparrow adresse ces mots à Elizabeth Swann dans Le Secret du coffre maudit, il la reconnaît malgré sa tentative de dissimulation sous des vêtements masculins. En effet, dans le second film, le travestissement a fourni à la fille du gouverneur une méthode pour être acceptée dans un monde essentiellement masculin. Elle a appris à se servir d’une arme à feu, elle manipule les épées comme une mercenaire ; en bref, certains diraient qu’elle « se bat comme un homme » (SPOILER ALERT : cette expression est incroyablement sexiste). 

Si dans Le Secret du coffre maudit Elizabeth Swann est héroïque, on lui découvre pourtant une nouvelle facette : une femme qui sait être manipulatrice pour parvenir à ses fins. Voulant sauver l’équipage du Kraken, elle embrasse Jack Sparrow (et joue, au passage, avec ses sentiments) pour le menotter au mât du navire, qui est destiné à couler au fond de l’océan. Lorsqu’il se rend compte de la supercherie, Sparrow ne lui adresse qu’un seul mot : « Pirate ! ». L’est-elle devenue à cet instant précis parce qu’elle s’est comportée comme tel ? 

Ce qui est certain, c’est qu’il faut attendre le troisième volet de la série, Jusqu’au bout du monde, pour voir Elizabeth Swann sacrée Capitaine par Sao Feng, avant que celui-ci ne meure. Ce qui lui vaudra la charmante remarque de Jack Sparrow : « Il a fait de vous un Capitaine ?  C’est fou, il donne le titre à n’importe qui ! ». Au demeurant, c’est grâce au vote de Jack Sparrow qu’Elizabeth obtiendra le titre de « Capitaine Swann, Roi du tribunal de la Confrérie » (pour la féminisation du titre on repassera). 

Elizabeth Swann a enduré bien des sarcasmes et propos infamants au cours de ces trois films, mais elle a su tirer son épingle du jeu par ses qualités d’oratrice. Elle a réussi, à maintes reprises, à convaincre les pirates et progressivement, à se faire entendre. À la fin, une haie d’honneur symbolique est faite en son honneur lors de son départ : elle a gagné le respect des pirates.

En définitive, même si sa route a été semée d’embûches, Elizabeth Swann a abandonné son statut de fille du gouverneur en détresse pour gagner glorieusement celui de Capitaine Swann, Reine du tribunal de la Confrérie des Pirates. Son ascension a donc fait d’elle un modèle pour les jeunes qui ont regardé Pirates des Caraïbes. Margot Robbie, la tête de l’affiche de Pirates des Caraïbes 6, sera-t-elle aussi inspirante et héroïque qu’Elizabeth Swann ?


Sources filmographiques : 

  • Pirates des Caraïbes : La Malédiction du Black Pearl, Gore Verbinski, 2003
  • Pirates des Caraïbes : Le Secret du coffre maudit, Gore Verbinski, 2006
  • Pirates des Caraïbes : Jusqu’au bout du monde, Gore Verbinski, 2007
Marie Jaroussain
Marie Jaroussain

Ex khâgneuse, et fraîchement titulaire d’une Licence de Lettres Modernes à la Sorbonne, je suis une de celles que certains qualifient de « féministe de merde » et j’en suis TRÈS fière !

Activiste FEMEN, j’attends ma première garde à vue pour enfin me mettre au yoga et à la méditation, dans l’optique de mieux encaisser (si c’est possible) les propos nauséabonds des masculinistes.

PS : Je suis née le même jour que la militante féministe Margaret Sanger (oui, je sais, ça en jette !).

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