Pour l’année 2020, le #RSFIndex, le classement mondial de la liberté de la presse, dresse un tableau plutôt morose : la pandémie semble avoir aussi affecté le travail des journalistes à travers le monde.
Depuis 2002, Reporters sans frontières (RSF) publie son classement mondial de la liberté de la presse : un classement qui évalue le degré de liberté des journalistes dans 180 pays et territoires du monde. Pluralisme des médias, indépendance, sécurité des journalistes, législation… Autant de paramètres qui sont pris en compte pour l’établissement du #RSFINDEX.
Les états analysés sont classés dans plusieurs catégories, selon la situation de la presse :
- Situation bonne
- Situation plutôt bonne
- Situation problématique
- Situation difficile
- Situation très grave

Covid, crise économique, lutte contre le terrorisme, contrôle de la presse, agressions, fake news… L’année 2020 a été difficile pour la liberté de la presse. D’après RSF, elle est gravement entravée dans 73 états et restreinte dans 59 autres, soit 73% des états évalués.
A l’opposé, seuls 12 pays sur 180 peuvent se targuer d’offrir un environnement optimal pour l’exercice du métier de journaliste, le chiffre le plus bas depuis l’introduction du nouveau mode de calcul de l’index, en 2013. Comment expliquer ce recul ?
Pandémie, désinformation et perte de confiance
La pandémie a apporté son lot de désinformation avec elle, provenant parfois directement des gouvernements. Au Brésil par exemple, le président Jair Bolsonaro a tour à tour minimisé les conséquences du virus et fait la promotion de l’hydroxychloroquine, un médicament controversé dont l’efficacité n’a jamais été vraiment prouvée, pour soigner le Covid-19.
Au Zimbabwe, le journaliste lanceur d’alerte Hopewell Chin’ono a été emprisonné pour avoir publié une enquête révélant le détournement d’argent public en lien avec l’acquisition de matériel pour lutter contre le coronavirus. Qualifié de “danger pour la société”, il se verra refuser la liberté conditionnelle.
Outre la désinformation, c’est la difficulté de vérifier et publier des informations qui fait reculer la liberté de la presse. Ce phénomène de blocage de la presse n’est pas réservé au Covid, même s’il sert souvent d’excuse. A ce sujet, RSF relève que “les journalistes sont confrontés à une “fermeture des accès” au terrain comme aux sources d’information, du fait ou au prétexte de la crise sanitaire. Seront-ils d’ailleurs rouverts après la fin de la pandémie ?”.

De plus, on enregistre une perte de confiance globale envers les médias. Le baromètre Edelman Trust 2021 révèle que 59% de la population des 28 pays interrogés pensent que les journalistes diffusent délibérément de fausses informations pour induire la population en erreur. Il souligne aussi que la plupart des organismes de presse se soucient davantage de soutenir une ligne politique que d’informer le public.
En France, le baromètre La Croix / Kantar de la confiance des Français·es dans les médias confirme cette tendance : pour 63% (-5 points par rapport à 2020) des Français·es, les journalistes ne résistent pas aux pressions politiques.
Zoom sur l’Europe
Dans ce contexte de crise mondiale et de défiance envers les médias, certains pays tirent pourtant leur épingle du jeu. C’est le cas des pays nordiques. La Norvège et la Finlande conservent respectivement leur 1ère et 2ème place du classement, suivi de la Suède et du Danemark.
Les actes de violence ont plus que doublé au sein de la zone Union européenne-Balkans
Si l’Europe reste globalement une région favorable à la liberté de la presse, le #RSFINDEX révèle pourtant que “Les actes de violence ont plus que doublé au sein de la zone Union européenne-Balkans”. En effet, l’indicateur Exactions (mesurant les violences commises contre les journalistes et l’intensité de ces violences) pour la région a plus que doublé.
Parmi les actes de violences envers les journalistes, RSF relève notamment que, depuis novembre 2020, les agressions de journalistes par des manifestants d’extrême droite sont quasiment systématiques en Allemagne. La plupart du temps, elles surviennent sans intervention de la police.
De même, en France, les agressions de journalistes français·es se multiplient, de même que les violences policières et les interpellations abusives. C’est ce que relève l’index, faisant notamment référence aux manifestations contre la loi sécurité globale.
Si l’indice de la liberté de la presse reste à peu près stable entre 2020 et 2021, RSF souligne tout de même qu’il “reste dégradé de 12 %” par rapport à 2013. Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières insiste : “Face à la viralité de la désinformation par-delà les frontières, sur les plateformes numériques et les réseaux sociaux, le journalisme est le principal garant pour que le débat public repose sur une diversité de faits établis.”