
Deux colleureuses se sont fait arrêter et menotter par la police mercredi 16 décembre pendant qu’elles collaient suite à l’acquittement de Gilbert Rozon. Le collectif Collage Féminicides Montréal a publié samedi 19 décembre dans Le Devoir, une lettre ouverte pour dénoncer l’injustice du système judiciaire au Québec.
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« Elle m’a dit “arrête-toi, couche-toi au sol” je me suis couchée immédiatement », relate O.
À plat ventre sur l’asphalte, alors que les températures frôlaient les -20 degrés la colleureuse reste calme. « Je savais que si j’étais docile ça irait ». Pendant ce temps-là M., une autre colleureuse, est menottée contre le capot de la voiture de police.
« Iels ont saisi nos slogans puis nous ont fait la morale », explique M. qui collait ce soir-là pour la première fois. Ils nous disaient qu’on aurait pu faire ça de façon légale, qu’il y avait d’autres méthodes que les moyens étaient trop forts. »
Si la société québécoise échoue à réformer ce système qui ne condamne que trois agressions sexuelles sur 1000, qui refuse près de 10 000 demandes d’hébergement en violence conjugale par année, faute de place et de financement, qui laisse des agresseurs être innocentés et s’en tirer impunément, elle peut certainement supporter que quelques murs fassent le témoignage de ces absurdités.
« On aurait dit qu’ils nous faisaient une faveur, c’était extrêmement culpabilisant, raconte O. en colère. On n’avait aucune raison de se sentir mal, on sait pourquoi on colle et ce n’est pas nous qui sommes dans le tort ».
Fières de coller
Après plus de 50 minutes d’interpellation, les deux colleureuses ont chacune écopé d’une amende de 1296 dollars. Une campagne de financement a été lancée par le collectif afin de payer les 2592 dollars soit 2115 euros.
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« On n’a pas été violentées, on est consciente que le fait d’être deux jeunes femmes blanches a aidé », explique M.
La pression et les menaces de la police ne semblent pas avoir ébranlé la détermination des colleureuses. « Iels nous ont parlé à plusieurs reprises du risque de casier judiciaire pour nous faire peur, ça a fait l’effet contraire », raconte O. Ce soir-là j’ai compris que mon corps ne m’appartenait pas, j’étais impuissante sur le sol incapable de me lever seule ».
« Le message qu’ils nous ont fait passer c’est “on va t’humilier, te censurer”, mais nous on porte une cause et on en est fières, explique M. Nous ne sommes pas obéissantes, nous voulons créer un changement, nous réapproprier l’espace public. »
Hausse des violences
Il y a quelques semaines, un autre groupe de colleureuses s’est fait suivre par un individu en voiture menaçant de les percuter. Craignant pour leur sécurité, elles avaient alerté la police. Selon les forces de l’ordre, l’automobiliste voulait simplement « les empêcher de commettre un délit ». « Jamais il n’a été question de sa violence ni du fait qu’il nous avait poursuivies, la police nous a culpabilisé.es parce que nos actions sont illégales » se désole C. une colleureuse présente ce soir-là.
Lettre ouverte
Le collectif Collage féminicide Montréal à publier une lettre ouverte soutenue par une vingtaine de personnalités afin de dénoncer la violence du système et se demander :
« Pourquoi tous les Gilbert Rozon de ce monde, acquittés par la justice, peuvent-ils se coucher sur leurs deux oreilles pendant que nous nous couchons sur la chaussée, les mains menottées dans le dos et la peur au ventre ?»