Le 20 août dernier, l’état Israël apprenait avec une vive émotion la plainte pour viol collectif d’une jeune fille de 16 ans, déposée une semaine plus tôt. Dans un hôtel de la ville d’Eilat, station balnéaire du sud du pays, où séjournait l’adolescente avec ses amies, une trentaine d’hommes auraient profité de son état d’ébriété pour la violer l’un après l’autre, attendant même leur tour devant la porte de la chambre.
Une unité spéciale a été mise en place pour mener l’enquête, et une quinzaine de suspects ont été entendus, y compris la responsable de l’hôtel qui n’a semble-t-il pas tenté de secourir la jeune fille. Les hommes interpellés, mineurs comme majeurs, nient le viol, prétendant qu’elle était consentante. Selon la presse locale, l’enquête considère pour l’instant que sept personnes ont participé à l’acte de viol, et que les autres sont entrées et sorties de la pièce, notamment pour filmer la scène.
Ces faits ne sont pas sans rappeler des événements datant de l’été dernier, lorsqu’une douzaine de jeunes israéliens avaient été accusés de viol en réunion par une touriste anglaise, dans la station balnéaire d’Ayia Napa, à Chypre. La jeune femme avait ensuite retiré sa plainte – selon elle contrainte par un policier -, puis avait été poursuivie en justice pour fausses accusations et condamnée à quatre mois de prison avec trois ans de sursis. Elle bénéficie à présent du soutien de ses avocats pour porter l’affaire en appel, et de collectifs de victimes de viols et de groupes de défense des droits humains.
Une indignation collective
Depuis la révélation du viol collectif à Eilat, une vague d’indignation secoue Israël, à commencer par le premier ministre Benyamin Netanyahou, qui a condamné le viol présumé, le qualifiant de « crime contre l’humanité ».
Des millers de personnes ont observé une grève d’une heure dimanche 23 août, « pour protester contre la violence croissante contre les femmes et les filles en Israël et l’absence de punition suffisante », selon le collectif Bonot Alternativa. Ariel Peleg, co-organisatrice de cette grève, a indiqué à l’Agence France Presse qu’au moins 30 organisations et entreprises, dont des municipalités et Microsoft Israël, ont participé à la grève.
Cet événement a été suivi de manifestations dans la soirée, dans tout le pays et notamment à Tel-Aviv, capitale économique d’Israël.

“Plus de 30”, un réveil féministe de type #metoo
Selon les chiffres de l’Association des centres de lutte contre le viol en Israël (ARCCI), 84 000 femmes sont agressées chaque année dans le pays, soit 230 agressions par jour. Illana Weizman, doctorante en sociologie du judaïsme et militante féministe intersectionnelle (co-créatrice de #Monpostpartum), ajoute : « Une femme sur cinq est violée en Israël au cours de sa vie ». Elle déclare à l’AFP :
« Il faut arrêter de dire qu’il faut protéger nos filles, il faut éduquer nos garçons à la question du consentement, et ce, dès le plus jeune âge ».
Elle demande également à l’État d’allouer davantage de budget à la lutte contre les violences faites aux femmes.
Depuis le début de l’année, le groupe de colleuses israéliennes Hastickeriot (« les colleuses » en hébreu), créé sur le modèle des collages féministes parisiens par les franco-israéliennes Illana Weizman et Morgane Koresh, s’affaire à publier des slogans dans plusieurs langues sur les murs de plusieurs villes israéliennes. Les colleuses interpellent par là-même des personnalités politiques sur le sujet des violences sexuelles et sexistes.

En cette ère post #metoo, Israël semble en effet accuser un retard considérable dans la prise de conscience des violences à l’égard des femmes. Selon Médiapart, l’ARCCI a reçu 192 appels de femmes victimes de viols en réunion en 2019, et seulement 19 d’entre elles ont porté plainte.
Mais la parole des femmes israéliennes se libère depuis quelques jours sur les réseaux sociaux. Les récits d’agressions et de harcèlement sexuel se multiplient, et une nouvelle campagne a été lancée à l’initiative de Mitsad Hanashim (“la marche des femmes”, en hébreu). Cette campagne nommée «30- יותר מ » (“Plus de 30”), regroupe des témoignages sur un site dédié, afin de les envoyer au gouvernement. Plus de mille femmes ont déjà participé en une semaine, en envoyant le prénom de leur agresseur et leur âge au moment des faits.
Espérons que le gouvernement d’Israël réagira à l’appel de ces femmes.