À Montréal, dimanche 7 juin, malgré la pandémie les manifestants et manifestantes se sont réunis pour protester contre le racisme et les violences policières.

Le visage couvert de masques à motifs, à fleurs, noirs, blancs, bleus, peints des lettres blm ou encore imprimés I can’t breath. Seuls leurs yeux sont visibles, on ne voit ni leurs lèvres bouger ni leur bouche se tordre lorsqu’ils hurlent à plein poumons « no justice no peace ». Des milliers de regards, des sourcils froncés, des yeux pleins de larmes, des clins d’œil complices et des pattes d’oies qui se plissent à la vue de certains slogans.

Une femme crie « say his name » (“dites son nom” en français) sans relâche, la foule répond inlassablement « George Floyd ».
Manifester en pleine pandémie

Montréal, seconde ville d’Amérique du nord la plus touchée par la covid-19 après New-York, a vu ses rues du centre-ville désertées depuis des mois se remplir en cette matinée de juin.
La marche organisé par La Ligue des Noirs Nouvelle Génération, en collaboration avec d’autres organismes, a rassemblé près de 10 000 personnes pour le deuxième dimanche de suite.
Les organisatrices demandent en vain de respecter deux mètres de distance, des bénévoles distribuent masques et gel hydroalcoolique à celles qui n’en n’ont pas.
Tandis que certaines portent leurs pancartes à bout de bras, d’autres les ont scotchées à leurs crosses de hockey.
Les cartons utilisés par les montréalais pour dessiner des arcs en ciel et écrire « Ça va bien aller » ont été décrochés des fenêtres et peints de slogans antiracistes.
Entre les buildings vitrés de la ville, la foule pose le genou au sol et lève le point pour rendre hommage à George Floyd assassiné le 25 mai par un policier blanc.

Marcher avec le contingent Queer
Dans la foule, un petit groupe porte fièrement des pancartes bleues roses et blanches ainsi que des drapeaux arc-en-ciel : c’est le contingent Queer. Gab, jeune homme blanc aux yeux bleus perçants qui porte un chandail rouge marqué d’une grosse croix blanche et un sac à dos, est l’organisateur et médic du groupe. Il explique tout en marchant :
J’ai créé ce contingent pour que les personnes trans et gay puissent se sentir en sécurité. Il n’y en avait tout simplement pas.
Lors de la marche pour le climat en septembre 2019, un contingent similaire avait été créé.
« Je ne voulais pas aller à la marche seul, alors je me suis joins à ce groupe. » explique-t-il.
Travail invisible
Après avoir longuement douté de sa légitimité en tant que personne blanche, il s’est décidé quelques jours avant la manifestation à créer un groupe facebook pour l’événement.
« J’ai passé des heures à me questionner. J’ai demandé sur Instagram ce qu’en pensaient mes contacts, j’ai été très critiqué par des blancs me disant que ce n’était pas mon rôle. A l’inverse des personnes racisées m’ont dit que c’était une super idée. Je pense que c’est ça mon rôle d’allié. Je ne suis pas chef de ce contingent, j’ai lancé l’idée et je participe à l’organisation. »
« Les blancs passent trop de temps à se poser des questions, ils restent passifs dans de nombreuses luttes parce qu’ils réfléchissent trop, ça part d’une bonne intention, ne pas prendre le mérite ou laisser la place aux personnes concernées », remarque Gab. « Notre rôle est de faire le travail invisible. »

Controverses
Alors qu’un groupe programmateur a invité le chef de la police à participer à la marche, Gab et les autres organisateurs Nick, Paolo et Marwan hésitent à annuler le contingent. « L’annuler à la dernière minute c’était risquer que des personnes y aillent seules et soient encore plus en danger » explique-t-il.
Finalement, certains collectifs s’étant dissocient de la marche, le chef de la police est désinvité.

Le mouvement Queer : un mouvement politique
« Le mouvement Queer est politique. On veut lui donner de la visibilité » explique Gab. Mais attention, le jeune manifestant demande à voir les photos prises pendant la marche avant qu’elles ne soient rendues publiques. « Certaines personnes ne sont pas out, publier des photos où l’on peut les identifier risque de les mettre en danger » explique-t-il. Il recommande plutôt de photographier les pancartes, ou de prendre les manifestants de loin ou de dos. Satisfait du déroulement de cette première manifestation Gab, espère bien réitérer l’opération.
« Nous sommes trop souvent ignorés et invisibilisés, il est important de rappeler qu’on existe ».