Fariba Adelkhah sort de prison à Téhéran

Le 3 octobre 2020, Fariba Adelkhah, la chercheuse franco-iranienne détenue depuis juin 2019, a enfin eu une permission de sortie pour raisons médicales de la prison de Téhéran. C’est cependant un bracelet électronique à la cheville que la chercheuse a rejoint son domicile.

Fariba Adelkhah, illustration
Illustration : Stephanie Samper

Arrêtée en juin 2019, elle avait été condamnée à cinq ans ferme pour “collusion en vue d’attenter à la sûreté nationale” et dix-huit mois pour “propagande” contre le régime iranien. Son mari, Roland Marchal, spécialiste de la Corne africaine, avait lui aussi fait un séjour en prison mais avait été libéré en mars 2020 à la faveur d’un échange de prisonnier. 

La jeune femme avait déjà été affaiblie après 49 jours de grève de la faim de fin décembre à février pour protester contre ses conditions de détention et souffre d’une maladie rénale, selon son avocat. Emmanuel Macron avait appelé le gouvernement iranien à relâcher la chercheuse, alors arrêtée de manière “arbitraire”. Les autorités du pays, ne reconnaissant pas la double nationalité, avaient qualifié “d’ingérences inacceptables” les multiples appels de Paris.

Spécialisée dans l’anthropologie sociale et l’anthropologie politique de l’Iran postrévolutionnaire, Fariba a fait de nombreux aller-retour entre la capitale iranienne et française. Les recherches qui lui ont valu son arrestation sont celles qu’elle entreprend à propos de la circulation des clercs chiites entre l’Afghanistan, l’Irak et l’Iran. Elle est notamment connue pour être l’autrice du livre La Révolution sous le voile. Femmes islamique d’Iran (Karthala, 1991), sur les femmes et la Révolution islamique.

Répression, violences, et discrimination : le pain quotidien des iraniennes

Dans ce grand pays du Moyen-Orient, les femmes font quotidiennement face à la discrimination et à une répression croissante de leurs droits.

Le hijab est obligatoire et ne pas le porter entraîne des sanctions, voire une peine de prison. Cette politique sévère a été mise en place après la Révolution de 1979 durant laquelle les chiites l’ont emporté. Cette ère révolutionnaire s’était déclenchée à la suite d’une vague de mécontentement, notamment chiite, envers l’impérialisme américain et le recul de la place de l’islam dans la société. La précarité, les violences… Etre une femme en Iran est aujourd’hui plus difficile que jamais. Ne pouvant prétendre à de nombreux métiers, la plupart des femmes seules doivent se résoudre à des petits boulots, souvent difficiles et sans sécurité de contrat, pour subvenir à leurs besoins. 

Le réalisateur iranien Massoud Bakhshi a notamment pointé du doigt un des nouveaux procédés iraniens sur la peine de mort dans son film “Yalda, la nuit du pardon” (en salle depuis le 7 octobre). Tiré du talk-show “Mah-é Asal” (la lune de miel), le.a condamné.e devait obtenir le pardon de la famille dont il.elle a tué le proche. Si le pardon est accordé, des sponsors versent à la famille “le prix du sang”. Glaçante, l’émission créée par le réalisateur va plus long. Il y dénonce un pseudo pouvoir donné à des téléspectateur-jurés dans un pays où le peuple n’a guère souvent le choix. 

Un climat électrique asymétrique

L’arrestation de Fariba et de son mari précède une vague d’incarcération de binationaux et étrangers en Iran. Depuis le début 2019, les États-Unis et l’Iran sont en conflit, la France (conjointement avec l’ONU) en pourparler entre les deux.

D’un côté les Etats-Unis se sont placés contre l’acquisition du nucléaire pour le pays lors des accords de Vienne sur le nucléaire iranien en 2018 ; rétablissant en parallèle leurs sanctions économiques. De l’autre, l’Iran accroît sa présence sur le sol irakien par le biais de ses milices chiites soutenues par les gardiens de la révolution islamique. Le pays, qui vit une vaste crise économique et sociale et depuis le début 2020, est en proie à de nombreuses manifestations anti-gouvernementales.

Aujourd’hui, et ce malgré les nombreux appels du gouvernement français, Fariba reste sous surveillance iranienne et assignée à résidence.

Jade Bourgery
Jade Bourgery
Co-fondatrice de Potiches, j'ai fait l'école de journalisme de l'ESJ, travaillé pendant un an à Mediapart et je pige pour plein de médias très cool. Mes dadas : les inégalités femmes/hommes, l'écologie et le monde du streaming. En secret, je suis passionnée de polar, j'écoute en boucle "Holding out for a hero" de Bonnie Tyler et je suis tatouée de partout.

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