En mettant sur le devant de la scène des listes 100 % féminines, les législatives qui se sont déroulées en Corée du Sud le 15 avril 2020 ont permis au pays de pénétrer une nouvelle ère : celle où le féminisme entre en politique.
Créé au mois de mars 2020 à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le parti des Femmes de Corée du Sud n’a pas traîné : dès avril, il faisait son entrée sur la scène politique lors des élections législatives, confirmant le sursaut féministe qui secoue la Corée du Sud depuis deux ans.
Une avancée féministe dans un pays en retard
Un parti dont la liste ne compte que des candidates, c’est une première pour ce pays où la parité a encore bien du chemin à parcourir… Selon l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), en 2019, l’écart salarial entre les hommes et les femmes en Corée atteignait 32,5 %. A titre de comparaison, en France, nous sommes à 13,7 %.
Rappelons que la Corée du Sud a mise en place des politiques natalistes dès 1961, après le coup d’état de Park Chung-Hee. Ces politiques restreignant les couples à un seul enfant à mener, durant les années 80, à un accroissement du nombre d’avortement. Des avortements que certains désignent comme des féminicides puisqu’ils touchaient surtout les femmes enceintes pour la première fois et attendant une fille. Et oui, dans une société fondée sur un système patriarcal où la place de la femme est sans cesse remise en cause, si l’on ne peut avoir qu’un seul enfant, mieux vaut avoir un garçon !
Vers un droit immuable à l’avortement
Le 11 avril 2019, la Corée du Sud connaissait déjà une avancée remarquable dans le combat pour la reconnaissance des droits des femmes. En effet, la Cour constitutionnelle ordonnait la modification de la loi de 1953 réprimant les IVG (interruption volontaire de grossesse). Jusqu’alors, avorter en Corée du sud était illégal, excepté en cas de viol, d’inceste ou de menace pour la santé de la mère.
Pourtant, malgré cette interdiction et en raison, d’abord, des politiques natalistes, ensuite du manque d’éducation sexuelle et d’accès à la contraception pour les jeune, les avortements sont très répandus. En 2010, le ministère de la Santé recensait 169 000 cas d’IVG. De son côté, l’association coréenne des obstétriciens et gynécologues évoquait quelques 800 000 avortements pratiqués annuellement…
Les luttes sociales, des écrans à la rue
Voilà quelques années que le féminisme se répand en Corée du Sud, à travers internet et jusque dans la rue. La numérisation des luttes sociales à donner accès aux militantes du monde entier à des informations, à du soutien, et l’énergie du collectif à fait le reste. En août 2018, elles étaient 70 000 réunit dans la rue, scandant le slogan « ma vie n’est pas ton porno » pour dénoncer l’inaction des autorités face au fléau des « 몰카 » (« molka », désigne la captation illégale d’images de nature sexuelle). De minis caméras sont illégalement placées dans des lieux intimes type toilettes publiques et même jusque chez les particulières… Ces images prises à l’insu de la personne ciblée se retrouvent alors sur des sites douteux. Cette manifestation est, à ce jour, le plus grand rassemblement féministe de l’histoire de la Corée du Sud.
Déconstruire les clichés et libérer la parole
Les coréennes vivent encore sous le joug de nombreuses injonctions : à la beauté, à la maternité, à la discrétion, à l’obéissance… Les mentalités en Corée du Sud sont imbibées d’une misogynie profondément ancrée dans la société. Mais le mouvement planétaire #MeToo a donné de l’élan à la cause féministe dans le pays. Petit à petit, la parole des femmes commence à se libérer, à l’image de celle de la magistrate Seo Ji-hyun, dont le témoignage d’une agression sexuelle à la télévision en janvier 2018 a secoué le pays entier.
Un sursaut féministe qui donne beaucoup d’espoir pour l’avenir des droits des femmes en Corée du Sud. Car même si le nouveau parti des Femmes n’a pas obtenu de siège à l’Assemblée (avec un score de 0,74%), il a unit en son sein près de 10 000 coréennes dont les trois quart ont la vingtaine. Une jeunesse engagée, donc, qui n’a pas finit de faire bouger les choses.
Sources :
Initiative pour la parité de l’OCDE
L’émergence des mouvements féministes en Corée
Législatives en Corée du Sud : un parti féministe à l’assaut du pouvoir
Seoul to inspect thousands of toilets for spy cams, but women say not enough being done