Brésil, des évangéliques tentent d’empêcher l’avortement d’une enfant de dix ans

Manifestation pour le droit à l’avortement, décembre 2016, Rovena Rosa, Agência Brasil
Manifestation pour le droit à l’avortement, décembre 2016, Rovena Rosa, Agência Brasil

Des militants anti-avortement attendaient de pied ferme, ce dimanche 16 août 2020, à Recife au Brésil, une fillette de dix ans devant la clinique où elle devait avorter.

L’affaire, qui devait légalement être tenue secrète pour protéger la victime, est devenue un jeu politique après avoir été divulguée sur les réseaux sociaux.

Damares Alves, pasteure évangélique et ministre des Femmes, de la Famille et des Droits humains a elle-même commenté sur les réseaux sociaux le cas de la petite, s’opposant catégoriquement à son interruption de grossesse.

Traduction : FILLE DE DIX ANS ENCEINTE dans la ville si São Mateus / ES. Nous suivons le cas. Au cours de la semaine, plusieurs rencontres virtuelles. Aujourd’hui, des représentants du ministère, accompagnés du député Lorenzo Pazzolini, étaient dans la ville pour suivre de près les enquêtes.

Par la suite, la militante anti-avortement Sara Giromini, alias Sara Winter, a dévoilé l’identité de la fillette et le lieu où elle devait être prise en charge.

L’enfant, abusée par son oncle depuis ses six ans et enceinte de 22 semaines, a dû se rendre à Recife, à plus de 1700 kilomètres de chez elle pour être hospitalisée, toutes les cliniques de Vitoria (capitale de sa région), prétextant des « difficultés techniques » afin de refuser de pratiquer l’intervention.

Cachée dans le coffre

Des militantes pro-choix se sont également rendues à l’hôpital pour soutenir l’enfant et assurer qu’elle puisse y entrer.

Paula Viana, qui l’a escortée de l’aéroport de Recife à l’hôpital, a déclaré au Guardian qu’elle avait arrêté le taxi sur le chemin de l’aéroport pour cacher la petite fille dans son coffre. L’enfant est parvenue à pénétrer dans le bâtiment par une entrée latérale.

Si l’avortement est illégal au Brésil comme dans la plupart des pays d’Amérique du Sud, l’avortement en cas de viol d’une personne vulnérable, lorsque la victime a moins de 14 ans ou a une déficience intellectuelle, est inscrit dans le Code pénal brésilien depuis 80 ans. En dehors de ces cas de figure, toute femme recourant à l’avortement risque jusqu’à trois ans de prison.

Cinq mois de grossesse

Selon cette loi, l’avortement peut être pratiqué jusqu’à 22 semaines de gestation ou lorsque le fœtus pèse moins de 500 grammes.

La fillette ayant atteint ce stade de 22 semaines, les conservateurs se sont emparés de l’affaire.

« Que de souffrance ! », a écrit la ministre Damares Alves sur son compte Facebook. « Les médecins de l’État d’Espírito Santo comprennent que l’avortement à cet âge peut mettre la vie de la mère en danger ou lui laisser des séquelles permanentes, comme un utérus perforé », continue-t-elle.

A l’inverse, Olympio Filho, médecin en charge de l’opération, réfute cet argument : « Maintenir la grossesse est un acte de torture, c’est abusé d’elle de nouveau. Il y a aussi un risque obstétrical d’hémorragie, en plus d’un manque de structure psychologique pour assumer une maternité à la suite de violences. Il est nécessaire de préserver la jeune fille et, plus tard, lui donner le soutien psychologique pour le surmonter. Les dégâts seront beaucoup plus importants si elle est obligée de poursuivre la grossesse. »

Ce n’est pas la première fois que l’obstétricien est confronté à un cas polémique au Brésil. Il y a douze ans, l’Église de Pernambuco l’a excommunié pour avoir interrompu la grossesse d’une fillette de neuf ans violée par son beau-père. Aujourd’hui, il est sous la pression des évangéliques de l’État, selon El Pais.

Pour Fagner Andrade Rodrigues, procureur des enfants et des jeunes de São Mateus (ville d’origine de la fillette), l’ingérence extérieure dans cette affaire est irrecevable. « Le choix intime difficile fait par la famille de la victime de violence ne peut subir aucune ingérence politique, religieuse ou autre, dit-il. C’est une abominable violation des droits de l’homme. »

Quatre viols par heure

Toutes les heures, quatre filles brésiliennes de moins de 13 ans sont violées, selon l’Annuaire de la sécurité publique brésilienne, et la plupart des crimes sont commis par un parent. En 2018, selon les dernières données disponibles, plus de 66 000 viols ont été enregistrés au Brésil, 53,8% seraient des filles de moins de 13 ans.

Mahé Cayuela
Mahé Cayuela

Étudiante en journalisme à l’Université du Québec à Montréal, franco-argentine ayant grandi en Turquie je suis passionnée de géopolitique internationale.
Sinon je suis phobique des agrumes, en particulier des citrons.

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