Un amendement à la Constitution hongroise a été déposé le 10 novembre 2020 stipulant que « la mère est une femme, le père est un homme ». Ce texte réduit les droits des personnes trans au sein d’un pays européen. Cette nouvelle attaque du gouvernement hongrois envers la communauté LGBT+ n’est pourtant pas la première.

Le gouvernement de Viktor Orbán n’en est pas à son coup d’essai. Depuis son retour au pouvoir en 2010, le premier ministre hongrois semble s’être donné une mission : réduire au maximum les libertés et droits des membres de la communauté LGBT+ (lesbiennes, gays, trans, queer, intersexes, asexuels, etc.).
Et nous en avons une nouvelle fois la preuve : le 10 novembre dernier, la ministre de la justice, Judit Varga, a présenté une série d’amendements à la Constitution ultra-conservateurs. L’un des textes évoque notamment que « la mère est une femme, le père est un homme » et définit le sexe comme étant uniquement celui de la naissance. Avant de poursuivre : « La Hongrie protège le droit des enfants à s’identifier en fonction de leur sexe […] L’éducation est assurée conformément aux valeurs fondées sur l’identité constitutionnelle de la Hongrie et la culture chrétienne. » (Extraits du projet de loi cité par Le Monde).En d’autres termes, ce texte nie donc complètement l’existence des personnes trans et la possibilité pour elles et les couples de même sexe d’avoir des enfants. S’il est adopté, cela « augmenterait la stigmatisation des personnes trans et rendrait les programmes de sensibilisation LGBTQI à l’école impossibles », s’insurge la Háttér Társaság, l’une des plus importantes ONG LGBT+ de ce pays d’Europe de l’Est, dans un communiqué, repris par Libération. Et elle n’est pas la seule à s’inquiéter. Sur les réseaux, de nombreuses personnes s’alertent d’un retour en arrière depuis la réélection du premier ministre souverainiste dans ce pays où l’homosexualité avait été dépénalisée dès le début des années 60 et où l’union civile entre conjoints de même sexe y est reconnue depuis 1996.
L’une des critiques concerne la violation des valeurs européennes que suppose l’adoption de ce texte. Rappelons en effet que la Hongrie fait partie de l’Union Européenne depuis 2004. Or, l’article 2 du traité de l’Union Européenne stipule que cette dernière « est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de démocratie, d’égalité, de l’Etat de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités ». Un article que le gouvernement hongrois semble avoir oublié.
La Háttér Társaság dénonce également le timing de ces annonces : « Des propositions très restrictives, contraires aux principes internationaux et européens des droits de l’Hommes, ont été déposées dans les heures qui ont suivi la ratification parlementaire de l’ordre juridique spécial [pour lutter contre la pandémie de Covid-19, ndlr], à un moment où les moyens d’exprimer les opinions des citoyens tels que les manifestations n’étaient pas autorisés. » En effet, un confinement partiel est entré en vigueur dans tout le pays depuis le 11 novembre, soit le lendemain du dépôt des amendements.
Mais ce n’est pas tout. Ces propositions de modification de la Constitution hongroise interviennent également au moment où Budapest s’oppose à un projet de mécanisme conditionnant le versement des fonds européens (notamment au respect de la Charte européenne des droits fondamentaux, qui garantit, entre autres, les droits des minorités sexuelles et de genre). Le mécanisme communautaire doit être entériné par les Etats à la majorité qualifiée et Viktor Orbán menace de veto l’ensemble du budget si ce principe est adopté.
Une énième attaque contre la communauté LGBT+
Ce nouveau texte n’est pas la première attaque du gouvernement hongrois contre les droits de la communauté LGBT+. Depuis que Victor Orbán s’est octroyé les pleins pouvoirs en avril dernier – sous prétexte de lutter contre la pandémie de Covid – le premier ministre autoritaire enchaîne les interdictions et discriminations envers les personnes LGBT+.
Les personnes trans et intersexes sont par exemple déjà privées de la reconnaissance de leur genre depuis l’adoption en mai dernier d’un texte qui prévoit l’inscription non modifiable du « sexe à la naissance » sur tous les documents officiels. Et ce, à la place de la simple mention « sexe », empêchant ainsi de changer de nom et d’avoir des papiers d’identité correspondant à son genre. Une possibilité pourtant légale, introduite en 2018 par la Cour constitutionnelle, comme le rappelle Libération.
Parmi les amendements soumis au Parlement le 10 novembre, un autre texte prévoit que seuls les couples mariés pourraient adopter. Les célibataires devront, elles, demander l’autorisation spéciale du ministre chargé des Affaires familiales. Or, le mariage homosexuel n’est pas autorisé en Hongrie. De fait, faire voter ce texte reviendrait à nier la parentalité de la communauté LGBT+. « Alors que de plus en plus de pays à travers le monde reconnaissent que les couples de même sexe peuvent être tout aussi bons parents, la Hongrie ignore toujours que des centaines de couples de même sexe offrent déjà un environnement aimant et sûr à leurs enfants », déplore toujours la Háttér Társaság dans son communiqué.
La communauté LGBT+ hongroise fait donc face à de nouveaux défis alors qu’elle est déjà isolée. Mais elle n’est pas la seule concernée. De nombreux pays prônent aujourd’hui une vision rétrograde et conservatrice de la famille. Ces annonces s’inscrivent donc dans un mouvement plus général de recul des droits des femmes, mais aussi de la communauté LGBT+. Espérons que la colère des citoyennes hongroises et les rappels à l’ordre de l’Union Européenne permettent d’empêcher l’adoption de ces textes. Mais rien n’est moins sûr…
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