Quelle est la première chose que vous faites lorsque vous vous réveillez ? Vous, je ne sais pas, mais moi, je récupère mon portable et je checke mes notifications. Et je ne suis pas la seule. Les créatrices de Sorocité, qui ont cette même fâcheuse habitude, sont parties de ce constat pour lancer leur projet : une newsletter féministe et participative ouverte à toutes et tous.

L’histoire commence en avril 2019. A cette époque, Elsa Pereira, féministe de la première heure, est journaliste pour divers médias mais n’écrit pas forcément sur des thématiques qui la touchent. L’idée de créer un support sur lequel elle pourrait s’exprimer librement émerge alors dans son esprit. Elle décide d’en parler avec d’anciennes collègues, croisées dans les couloirs de TerraFemina : Marguerite Nebelsztein et Léa Drouelle.
Emballé par le projet, le trio se rend toutefois vite compte qu’il va lui falloir davantage d’aide. Les trois journalistes parlent donc de leur projet à deux de leurs connaissances : Charlotte Arce, également journaliste, et Héloïse Niord-Méry, directrice artistique. « Quand Elsa m’a contactée, je me suis dit « Bingo ! C’est le destin ! » », confie Héloïse.
« Nous ne sommes pas une bande de copines qui a créé un projet commun mais des professionnelles qui se sont regroupées autour d’une thématique et d’une envie. » – Elsa Pereira, l’une des cinq fondatrices de Sorocité.
Une fois la team créée, reste encore à s’organiser. En novembre 2019, un « week-end commando » est donc planifié pour poser les bases du projet. « Au départ, nous étions très ambitieuses. Nous voulions créer un site internet, raconte Elsa. Mais nous avons vite compris que sans fonds propres et avec nos vies respectives, alimenter un site internet serait trop compliqué. »
« L’ADN de Sorocité, c’est son côté participatif »
Au cours des mois qui suivent cette réunion, elles enchaînent les visio-conférences et les messages pour peaufiner leur idée. Le choix du logo a tout de suite fait l’unanimité, tout comme l’identité visuelle. « L’utilisation du violet, symbole du féminisme, a été abordée mais personne n’est vraiment fan de cette couleur dans l’équipe, se souvient Héloïse. Et puis le rose, c’est aussi pour faire un clin d’œil aux stéréotypes. Le vert, lui, est plutôt un rappel de notre côté écoféministe, qu’on garde dans un coin de notre tête. »
Quant au nom « Sorocité », c’est une idée de Charlotte : « soro » pour sororité et « cité » pour l’espace de discussion. Car la volonté des cinq fondatrices est bien de donner la parole à toute personne souhaitant s’exprimer autour du féminisme. « L’ADN de Sorocité, c’est son côté participatif. C’est quelque chose qui nous tenait vraiment à cœur, l’idée de créer un forum façon Grèce antique. Pour nous, ce qui est central dans le féminisme, c’est la sororité, la bienveillance et l’accompagnement entre toutes et tous », explique Elsa.
Cet aspect participatif permet aussi de se différencier des autres newsletters féministes déjà existantes telles que Les Glorieuses ou encore Women Who Do Stuff (« les femmes qui font des choses », en français). Les témoignages, ou « soro-citées », sont récupérés à travers les différents réseaux sociaux de la newsletter. « Cela nous permet de donner la parole à notre lectorat, d’ajouter d’autres points de vue à l’article, confirme Elsa. Car Sorocité, ce n’est pas juste nous cinq. »
Privilégier des articles de fond à l’actualité
Plus qu’une newsletter, Sorocité permet donc un réel échange entre toutes et tous. Car si le lectorat est majoritairement féminin, de nombreux hommes sont aussi abonnés et témoignent. Les sujets traités sont variés et touchent toutes les branches de notre société, allant du féminisme intersectionnel à l’importance des cheveux dans les critères de beauté actuels en passant par la problématique du bénévolat dans le militantisme féministe. Pas de sujets hyper chauds donc mais des articles détaillés avec un véritable travail de recherche.
« Internet force les journalistes à faire des formats très courts et nous voulions justement contrecarrer ça. Prendre le temps de parler de nos sujets, de les aborder de façon pédagogique. Notre envie, c’est de sensibiliser au féminisme donc quand nous écrivons, nous pensons aux personnes qui ne pourraient pas forcément comprendre », argumente Elsa.
Montrer qu’il n’y a pas un seul féminisme mais bien des féminismes est aussi très important pour les membres de Sorocité. « Il n’y a pas besoin d’avoir un bac +12 en féminisme pour lire notre newsletter. Notre but est que chacune y trouve son compte et pioche les infos qu’elle veut. Nous ne voulons pas donner de leçons », assure Héloïse.
Suivant cette volonté d’être accessible au plus grand nombre, la newsletter Sorocité est aussi gratuite. Un critère primordial pour ses fondatrices qui amène pourtant son lot de complications. « Nous voulions que ce soit gratuit pour les lecteurs et lectrices mais du coup, nous sommes bénévoles et cela nous coûte à nous de l’argent : entre le site, le nom de domaine, la newsletter mais aussi nos compétences et nos années d’expériences », détaille Héloïse Niord-Méry.
Jongler entre vie perso, vie pro et la newsletter
Les cinq membres de l’équipe ont toutes leur propre travail à côté. Il faut donc jongler entre vie perso, vie pro et la newsletter. Et ce n’est pas toujours simple. « C’est une charge mentale de fou, affirme Elsa. Même si le fait que nous soyons quatre à écrire signifie un seul article par personne par mois donc ça reste gérable. » « C’est un peu un Tetris d’organisation, confie, quant à elle, Héloïse. Je m’occupe de toutes les newsletters et je le fais sur mon temps libre. C’est très chronophage. »
Près de trois mois après son démarrage, Sorocité compte déjà un peu plus d’un millier d’abonnées et très peu de désinscriptions. A travers ses 13 premières newsletters, l’équipe montre son attachement pour la convergence des luttes en ayant notamment fait le choix de l’écriture inclusive. « Si on n’écrit pas en inclusif, on exclut une partie de la population de nos écrits alors qu’on veut les inscrire dans notre démarche éditoriale. Ecrire en inclusif était quelque chose qui me tenait à cœur car c’est le futur de l’écriture », soutient Elsa.
Charlotte Arce Léa Drouelle Marguerite Nebelsztein Héloïse Niord-Méry Elsa Pereira
Désormais, l’équipe souhaite se professionnaliser. Leur rêve ? Que Sorocité devienne leur seul et unique emploi, rémunéré à temps plein. Elles ont déjà monté une association afin de recevoir des dons et démarrer des partenariats avec des marques qui leur parlent.
« Dans l’idéal, nous aimerions aussi faire appel à d’autres plumes, d’autres illustratrices pour collaborer avec la newsletter lorsque nous aurons les moyens de les payer », se projette Elsa. « Et comme nous souhaitons aussi être indépendantes, nous ne voulons pas non plus qu’une personne extérieure vienne mettre son nez dans nos affaires sous prétexte qu’elle donne de l’argent », continue Héloïse.
Si vous êtes comme moi et que votre portable est l’un de vos premiers moyens d’accès aux informations, je vous invite à vous inscrire à cette newsletter rafraîchissante et enrichissante ! Et petit scoop : pour la dernière newsletter de l’été, l’équipe prévoit un cahier de vacances qui vous occupera durant le mois d’août avant la reprise des newsletters hebdomadaires en septembre.