Le jeudi 25 novembre 2021, journée internationale de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, étaient organisées à Marseille, les premières assises régionales dédiées à cette cause, l’un des deux éléments clés pour lutter contre les violences. Pas forcément une réussite.
C’est le grand clin d’œil de Renaud Muselier, président de la région PACA, aux récentes déclarations d’Emmanuel Macron : les violences sexistes et sexuelles reviennent sur le devant de la scène. Trois tables rondes ont rythmé la journée, autour des trois points essentiels sur lesquels la région veut travailler. Alerter, Accompagner, Prévenir étaient les thématiques centrales. Au programme, l’application app’elles, le bouton d’alarme Monshérif ; les solutions d’hébergement de différentes associations ; ou encore des pièces de théâtres et ateliers pour sensibiliser les jeunes.
Concrètement, le Président Renaud Muselier et Sabrina Agresti-Roubache, la conseillère régionale en charge des grandes causes régionales ont proposé 5 mesures :
- Déployer davantage les Téléphones Grave Danger,
- Soutenir les initiatives de création de dispositifs d’alerte,
- Soutenir les initiatives qui permettent l’accompagnement, notamment la création de centres d’hébergements,
- Organiser des ateliers de « riposte verbale et corporelle » dans tous les lycées de la Région dès 2022,
- Créer un dispositif d’arrêts à la demande dans les bus de la région pour que les femmes fassent moins de trajet à pied.
Pour mettre en place ces mesures, un budget de près de 10 millions d’euros sera débloqué, d’après le Président du Conseil.
Discours lissés, idéalisés, moqueries
« J’ai eu l’impression que tout était très superficiel et qu’il n’y avait pas vraiment de réflexion », explique Ali* 16 ans, en service civique à UnisCité, iel était là pour observer l’événement. Plusieurs personnes interrogées sur place ont eu le même sentiment. L’initiative est bonne mais rien de concret n’en ressort avec parfois des réflexions superficielles et inabouties.
Toutes les personnes qui sont intervenues ont fait comme si tout le monde faisait son travail correctement mais on sait que la réalité est différente
La journée devait être centrée sur les violences sexistes et sexuelles mais presque toutes les discussions ont tourné autour des violences conjugales seulement, oubliant une fois de plus les autres types de violences comme les violences gynécologiques et obstétricales ou encore les violences sexuelles. L’événement a en fait permis de présenter le plan régional de lutte qui n’avait pas encore été approuvé par l’Assemblée qui s’est tenue presque un mois après les assises.

« Pour moi, les interventions manquaient d’honnêteté et le traitement d’une avocate m’a choqué. ». Venue pour un projet en lien avec son Master, malaise pour Lola* 22 ans à la pause déjeuner. Tout comme d’autres personnes interrogées sur place, la plupart étaient gênées par l’ambiance générale de l’évènement. Les discours sont lissés et idéalisés, les problèmes rencontrés par les victimes de VSS lors du dépôt de plainte sont passés sous silence. « Toutes les personnes qui sont intervenues ont fait comme si tout le monde faisait son travail correctement mais on sait que la réalité est différente » raconte-t-elle.
En fin de matinée, la prise de parole d’une avocate témoigne de cette ambiance. Lorsqu’elle est intervenue pour parler de la réalité, sur le terrain, du passage des victimes au commissariat, surtout quand l’homme violent fait partie des forces de l’ordre, les participantes de la première table ronde dont une procureure et une policière lui coupent la parole d’un ton agressif. Que le prévenu soit policier ne changerait rien à la prise en charge de la victime. Dénis et tonnerre d’applaudissements dans la salle… Tout le reste de la journée et alors même que l’avocate avait quitté les assises, les intervenantes ont fait des allusions moqueuses à son intervention : ”Elle ment”.
Une grande différence entre les mesures annoncées et les rapports de délibération de l’Assemblée.
Le plan d’action a été rapidement présenté aux élus lors de l’Assemblée plénière du 17 décembre 2021, il a été approuvé et les délibérations ont été publiées quelques semaines plus tard. Mais des différences sautent aux yeux. Renaud Muselier souhaite ”débloquer près de 10 millions d’euros pour la cause prioritaire de [son] mandat”, en parallèle il en débloque 200 millions pour les stations de ski et près de 50 pour la rénovation énergétique.
Mais, les calculs ne sont pas bons.
- Pour la mise à disposition de plus de Téléphones Grave Danger, les collectivités territoriales peuvent demander de prendre part à leur déploiement en les finançant, mais cela n’apparaît nulle part dans les tableaux financiers publiés avec les délibérations.
- Concernant le soutien aux initiatives qui permettent l’accompagnement des victimes : la région va financer un atelier numérique pour aider les femmes fragilisées à hauteur de 3 000 euros, mais aussi donner des aides financières au Refuge de Montpellier et au Centre Lgbt Côte d’Azur à hauteur de 30 000 euros et soutenir la maison Françoise Giroux dans le Var (lieu d’accueil et de prise en charge des victimes) en proposant une subvention de 20 000 euros.
- Les ateliers de riposte dans les lycées ne sont, quant à eux, pas mentionnés dans les délibérations, tout comme le soutien aux initiatives de création de moyens d’alerte ou encore les arrêts de bus à la demande pour les femmes.
Au total, dans le tableau financier du plan d’action régional c’est 53 000 euros qui sont déployés, une somme pour le moment très éloignée des 10 millions annoncés par le Président de la région.
Après des assises qui ont mis de nombreuses personnes mal à l’aise, à tel point que les personnes interrogées ont souhaité rester anonymes, le bilan est mitigé pour la Région PACA, cinquième région de France comptant le plus de féminicides et la troisième avec le plus grand nombre d’appels au 3919. Ironie du sort, une élue régionale a porté plainte pour injure sexiste et diffamation contre le Président du Conseil régional, Renaud Muselier, un mois avant les assises.