Lundi matin 14 septembre 2020 chacune prend le chemin du travail ou des cours. Les températures annoncées par la météo vont dépasser les 30 degrés. Chacune s’habille donc en conséquence.
Des lycéennes refoulées à l’entrée de leur établissement
@carolinedehaas partage ce post en interpellant le ministre de l’Education Nationale : “Allo @jmblanquer ? C’est quoi ce délire? #Lundi14Septembre” et tout s’accélère.

Les témoignages de jeunes femmes se multiplient sous le hashtag #Lundi14Septembre durant la journée. Elles ne peuvent pas rentrer dans leur établissement pour cause de « tenue non appropriée ».
Ce motif invoqué pour justifier ces refus s’appuie sur le règlement intérieur des lycées et collèges. En effet, certaines jeunes filles se voient refuser l’accès car elles risqueraient de troubler la concentration des garçons/jeunes hommes avec des vêtements TROP courts, TROP ceci, PAS ASSEZ cela…donc jugés “provocants”.
Les réponses du gouvernement
Interrogé à ce propos aux micros de BFMTV, le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer persiste et signe: “Il suffit de s’habiller normalement et tout ira bien.” “Les chefs d’établissement sont dans leur rôle à vouloir faire respecter une tenue normale, tout simplement”.
Les injonctions vestimentaires faites aux femmes sont une lutte féministe permanente. Cette “normalité” évoquée par le ministre participe à l’atténuation médiatique des agressions quotidiennes vécues par les femmes, alimentant ainsi la culture du viol. Et c’est justement ce qui dénoncé avec le mouvement #Lundi14Septembre sur les réseaux sociaux.
Trois jours plus tard, Giulia Foïs, journaliste sur France Inter, adresse une lettre au ministre de l’Education Nationale dans son émission Pas son genre :
Si, dans un collège, ou un lycée, une fille se fait siffler parce qu’elle est en débardeur, il est où le problème : dans le débardeur ou dans le siffleur ?
Ce lundi 21 septembre, Jean-Michel Blanquer, invité sur les ondes de RTL, réitère : “On vient à l’école habillé d’une façon républicaine.”
Des délégations lycéennes entendues
Face au tollé engendré par ces propos, le Conseil National de la Vie Lycéenne a été contacté par le gouvernement et un entretien a eu lieu le vendredi 18 septembre. Deux délégations d’élues ont été accueillies et entendues.
Trois axes de réflexion ont été retenus : la notion de normalité et sa définition [+ qu’est-ce que s’habiller d’une “façon républicaine”??!], l’impact culturel de cette dite normalité, et les conflits de genre et de génération.
La création de groupes de travail intégrant des jeunes lycéennes a également été proposé. Ces derniers n’ont pas encore de calendrier à l’heure où ces lignes sont écrites mais ils seront en contact avec le délégué national de la vie lycéenne et collégienne, Christophe BRUNELLE ainsi qu’avec la déléguée interministérielle Claude ROIRON, déléguée ministérielle à l’égalité filles-garçons.

Des interrogations qui sonnent le glas d’une vision étriquée du féminisme
Doit-on redéfinir collectivement une “normalité” ? S’habiller d’une façon républicaine, c’est quoi ? (des propositions inspirées de Marianne via #unetenuerepublicainepourjeanmi lancé par @clitrevolution) Ou doit-on continuer de réaffirmer la liberté de s’habiller comme on le souhaite au sein d’un système discriminant qui favorise les remarques sexistes ?
Plus largement et dans une société binaire hétéronormée, y a t-il des moyens d’établir des règles au sein d’un établissement scolaire et au-delà de ses murs ? Par delà les lycéennes et les collégiennes, c’est la société entière qui doit se questionner.
Les jeunes générations n’hésitent pas à mettre un coup de pied dans la fourmilière patriarcale d’une institution éducative lourde. J’avoue être fière et pleine d’espoir… Mais allons-nous vers une fracture des générations ?
Pourvu que les promesses soient tenues, spécialement dans un contexte de semaines de l’engagement promues par le ministère de l’Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports qui invitent les collégiens et lycéens à s’engager pour la démocratie scolaire…