La réalisatrice, actrice et scénariste Maïwenn en roue libre

Beaucoup d’entre nous l’avait adorée dans son film Polisse (2011). Elle dénonçait aussi crûment que justement les violences faites aux enfants par le prisme de la BPM, la Brigade de Protection des Mineurs. Après la sortie de son dernier film ADN dans lequel elle relate les violences psychologiques qu’elle a subies étant petite, la jeune femme se sent pousser des ailes dans Paris Match* ce jeudi 22 octobre et nous donne son avis (qu’on ne lui a bien sûr pas demandé) sur le féminisme. La violence règne.

C’est fou ce qu’elles [les féministes] peuvent dire comme conneries, ces derniers temps ! Ce sont des femmes qui n’aiment pas les hommes, c’est clair, et qui sont à l’origine de dommages collatéraux très graves. Moi, je suis pour dire aux hommes à quel point on les aime. Il faut arrêter de dire que ce sont tous des pervers !

Bien que Maïwenn ne se soit jamais illustrée comme une fervente défenseuse des droits des femmes, lire un article dans lequel surgit de tels propos en 2020 glace le sang. 

On se souvient amèrement de la tribune signée par, entre autre, les trois Catherine (Deneuve, Robbe-Grillet, Millet), « Nous défendons une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle » en janvier 2018. A leur décharge, la totalité de ces femmes cinquantenaires et plus n’avaient pas vu d’un bon œil le mouvement #Metoo après s’être battues en 68 pour la révolution sexuelle. D’un autre temps, toutes entrevoyaient la désignation nominative des violences sexuelles comme une régression. Une sorte de point de non-retour de leurs droits durement acquis. Soit. Pourtant Maïwenn, jeune scénariste, réalisatrice et actrice de 44 ans, est bien loin de cette époque. Ces dernières années ont mis en lumière la plage sous les pavés et sur laquelle se balader en short, en jogging, en jupe ou en maillot ne sont pas des freins pour être violée. 
Moi, je suis pour dire aux hommes à quel point on les aime. Il faut arrêter de dire que ce sont tous des pervers !”. Ce que pointe ici la réalisatrice c’est sans doute là l’un des points les plus problématiques dans le féminisme et ses courants. C’est, comme elle le critique si bien, mettre tout le monde dans le même panier. Le féminisme, c’est un courant de pensée, une volonté collective (femmes et hommes confondus) d’intégrer les femmes et leurs droits dans une société qui les exclut. Il est bien pratique de la part d’une femme blanche, hétérosexuelle, bourgeoise de sommer les femmes de foutre la paix aux hommes. Surtout lorsqu’on s’estime être la représentation bancale de la moitié de l’humanité. N’en déplaise à Maïwenn, toutes les femmes ne sont pas blanches, hétérosexuelles, et bourgeoises.

La culture du viol selon Maïwenn

J’espère que les hommes me siffleront dans la rue toute ma vie. Je ne me suis jamais sentie offensée parce qu’un homme portait un regard bestial sur moi. Au contraire, je prends ça comme un compliment.

La jeune réalisatrice est comme propulsée loin de la stratosphère, et on se demande d’ailleurs si elle pourra un jour reposer les pieds sur Terre. Elle tape sur tout ce qui bouge et s’assoit confortablement dans la culture du viol. Cette même culture dénoncée par des collectifs comme Nous Toutes qui s’échinent à révéler au public l’impact des féminicides, des violences sexuelles et du harcèlement sexuel. On sait notamment que ce dernier, grâce à un sondage IFOP réalisé pour la fondation Jean Jaurès, touche 86% des femmes. Si le harcèlement sexuel de Maïwenn s’est arrêté à des sifflements dans la rue, grand bien lui fasse. Il est malgré tout fort possible que le reste de la population féminine ne soit pas de cet avis. N’en déplaise à Maïwenn, toutes les femmes n’ont pas eu le droit qu’à des sifflements. 

Et même si cela était le cas, siffler une femme dans la rue c’est s’inscrire dans la définition qu’une femme est avant tout un objet sexuel que certains hommes peuvent se permettre de jauger à force de notes pas vraiment mélodieuses. 

Si j’accepte de me rendre dans la chambre d’un homme à 1 heure du matin, je me doute bien que ce n’est pas pour parler d’un rôle !

A la croire les femmes violées l’ont bien cherché. Heureusement pour l’actrice, elle n’aurait jamais mis les pieds dans la chambre d’hôtel d’une réalisateur/producteur vicieux pour avoir une carrière. La précarité du métier ne la touche apparemment pas et, encore une fois, elle a bien de la chance. La réalisatrice multi césarisée n’a plus (et n’a jamais eu) à s’en faire et tant pis pour toutes ces femmes qui n’ont pas eu le choix. 

C’est toujours depuis des hauteurs époustouflantes que la jeune femme nous dicte la conduite à suivre dans un monde qui semble créé de toute pièce depuis l’intérieur de sa tête. Réduire le problème des violences sexuelles au simple fait de rentrer dans une chambre d’hôtel et des conséquences qui s’ensuivent, c’est annihiler un système fondé sur cette loi du pouvoir masculin. Ces propos, au-delà de leur portée honteuse minimise le vécu des victimes et le combat porté par le mouvement #Metoo. 

Pour couronner le tout, l’interview de Paris Match se solde également de son avis sur Polanski, qu’elle défend, et Adèle Haenel, qu’elle accuse d’avoir eu “des bobos” pour sortir de la sorte de la salle des césars en 2020. 

Paris Match sur la vague du profit

Publier une telle interview, c’est faire couler de l’encre. C’est faire parler de soi. Bien que les retours sur ce genre d’article ne soient pas (pour la plupart) positifs, ils entraînent des clics, des lecteurs, des curieux. C’est la loi de l’audimat. La volonté reste la même : faire du profit. 

Pourtant, donner la parole c’est un droit, une liberté. Doit-on rayer définitivement toutes celles et ceux qui ont tenus des propos antiféministes post #Metoo ? Où place-t-on le droit de savoir dans la jungle de l’argent qui règne dans un milieu qui se meurt ? La presse devrait-elle continuer à écrire, faire écouter tous les avis ? Offrir la parole à tout le monde veut-il forcément dire la donner à n’importe qui ?


*Article à retrouver en intégralité dans les kiosques

Jade Bourgery
Jade Bourgery
Co-fondatrice de Potiches, j'ai fait l'école de journalisme de l'ESJ, travaillé pendant un an à Mediapart et je pige pour plein de médias très cool. Mes dadas : les inégalités femmes/hommes, l'écologie et le monde du streaming. En secret, je suis passionnée de polar, j'écoute en boucle "Holding out for a hero" de Bonnie Tyler et je suis tatouée de partout.

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