Une enquête du quotidien suisse Le Temps, publiée le samedi 31 octobre et titrée « La RTS, Darius Rochebin et la loi du silence », a mis en lumière plusieurs témoignages dévoilant de nombreuses inconduites sexuelles au sein de La Radio-Télévision suisse. Darius Rochebin, ancien présentateur du journal télévisé, qui travaille désormais pour la chaîne française LCI, croule sous les accusations.
Pendant plusieurs mois, trois journalistes d’investigation du Temps, ont recueilli plus de 30 témoignages différents, levant le voile sur des problématiques scandaleuses à l’intérieur de la Radio-Télévision suisse (RTS). Les journalistes Célia Héron, Sylvia Revello et Boris Busslinger, pointent du doigt, non seulement des comportements inappropriés et condamnables, mais aussi la mauvaise prise en charge de ces inconduites au sein de l’entreprise. « Survenus à partir du début des années 2000, certains de ces faits étaient connus à l’interne, mais n’ont jamais été révélés publiquement », est-il écrit dans l’article.
Une enquête qui s’attaque aux tabous
Ce qui ressort du dossier c’est donc ce silence coupable. « Pourquoi le briser maintenant ? », écrivent les journalistes : « À la faveur d’une libération historique de la parole ces dernières années et à la suite du départ en France de Darius Rochebin, une chape de plomb semble progressivement se lever à la RTS ».
L’article présente trois cas. Le premier concerne un cadre, non nommé dans l’article, dont une quinzaine d’employées se sont plaintes pour harcèlement moral et sexuel, SMS déplacés et une ambiance de travail responsable « de plusieurs burn-out et d’au moins deux démissions ». L’article relate ensuite comment les plaintes sont balayées d’un revers de main, pour qu’au final, le cadre en question soit promu en 2015. « Il n’a plus le droit d’avoir de subordonnés directs, mais jouit d’un statut confortable au sein de la hiérarchie » explique un employé de la RTS dans l’article. « C’est malheureusement trop souvent ainsi que fonctionne la gestion des ressources humaines à la RTS. Tant qu’il n’y a pas de scandale public, les problèmes sont étouffés.»
Le second cas est celui d’un employé toujours en poste dont la réputation au sein de l’entreprise est d’avoir la « main baladeuse ». Une collaboratrice témoigne que lorsqu’elle a subi une agression venant de lui et en a parlé autour d’elle, elle a constaté que ses collègues connaissaient ces comportement chez l’homme en question. Pourtant, la RTS ne semble pas avoir reçu de signalement ou avoir pris de mesures pour le sanctionner.
Darius Rochebin, accusé de nombreux délits sexuels
L’enquête s’attarde ensuite sur l’ancien présentateur du journal télévisé suisse, qui, depuis le 24 août, présente le 20h de Darius Rochebin sur LCI, la chaîne d’information en continu du groupe TF1. Du lundi au jeudi, il tient une interview quotidienne entre 20h et 21h15.

Au sein de la RTS, nombreuses sont les personnes qui ont des plaintes contre le journaliste. Au-delà de son allure assurée et professionnelle à la télévision, l’article témoigne d’une attitude inacceptable et de comportements malsains. On dénombre plusieurs agressions sexuelles. D’abord, un baiser forcé sur une collaboratrice, puis une autre personne témoigne qu’il aurait pris sa main de force pour qu’elle vienne toucher ses parties génitales. Derrière les caméras, Darius traîne une réputation particulière : « mains glissées sous les chemises de collègues masculins, allusions salaces récurrentes ou encore proximité avec de jeunes hommes sont régulièrement évoquées », est-il écrit.
Le plus perturbant reste sûrement les témoignages de jeune étudiants avec qui le journaliste entretenait des relations ambiguës. Messages, rendez-vous, relations sexuelles… L’enquête met au jour plusieurs histoires qui impliquent des jeunes gens influencés par la position et le pouvoir du journaliste. Ce dernier est également accusé d’avoir utilisé de fausses identités, notamment de jeunes femmes, pour entrer en contact avec ces étudiants et les manipuler pour obtenir des informations relatives à leur intimité.
Darius Rochebin a répondu à ces accusations, via son avocat, dans un courrier adressé à l’Agence France-Presse. « Je suis choqué par le récit malveillant publié par le journal Le Temps… », affirme-t-il. « Jamais je n’ai fait l’objet d’une plainte. Jamais je n’ai eu de relation non consentie ou illicite. Je me battrai donc contre tous les amalgames, les ragots ou les insinuations dont je suis victime et j’examine avec mon avocat la suite judiciaire que je donnerai ». À la suite des accusations, il s’est retiré de la scène médiatique pour passer quelques jours en famille.
Les réponses de TF1 et RTS
Le groupe TF1, pour qui travaille depuis cet été Darius, rapporte au Figaro n’avoir jamais reçu de plainte contre l’homme. De plus, l’entreprise « rappelle être très attachée à la présomption d’innocence, suit très attentivement cette affaire et prendra les mesures qui s’imposent selon son évolution. L’entreprise, qui sensibilise régulièrement ses collaborateurs, rappelle mener une politique active contre toute forme de harcèlement ».
De son côté, la direction média RTS se déclare « consternée par la gravité et l’ampleur des faits reprochés. Si ces faits sont avérés, la RTS les condamne avec la plus grande fermeté. […] La RTS rejette fermement toute accusation de laxisme dans la gestion des cas de harcèlement ou de protection de ses collaborateurs. Les cas portés à la connaissance de la direction sont toujours traités avec diligence et de manière professionnelle, y compris avec le recours à des enquêtes externes ». En ce qui concerne le cas de Darius Rochebin, la RTS confirme avoir été mise au courant des faux profils Facebook, mais que le reste de l’enquête est une surprise.