Depuis 1999, le 25 novembre est connue comme la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Si la libération de la parole permet de mettre le doigt sur les violences physiques et sexuelles, beaucoup de violences restent dans l’ombre, particulièrement dans la sphère privée.
Ce jour de lutte est l’occasion de nous pencher sur les violences conjugales et mettre en avant le travail de la sphère féministe qui lutte contre.

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Les féminicides et violences physiques : aimer n’est pas tuer
En 2019, malheureusement, on meurt encore sous les coups de son conjoint ou de son ex.
Les chiffres à retenir :
- 146 féminicides*
- 213 000 femmes victimes de violence physique et / ou sexuelle au sein de son couple
- 18% seulement ont déposé une plainte
*Notons que ce chiffre ne tient pas compte des meurtres de personnes trans.
“Crime passionnel”, “Il la tue par amour”, “Coup de folie”, “Une dispute qui dérape”… Le traitement réservé aux violences et féminicides dans les médias – quand ils sont évoqués – participe à minimiser les faits. Minimisation qui se ressent encore dans la société, où la parole des victimes de violences n’est toujours pas entendue.
Petit à petit, le travail des féministes payent. Le compte Instagram Préparez vous pour la bagarre rassemble une communauté de presque 100 000 personnes qui pointent du doigt le mauvais traitement médiatique des violences et luttent pour faire entrer des termes “féminicides”, “viol” et “agression sexuelle” dans le langage courant.
Victoire récente : l’avocat général représentant le ministère de la Justice lors de l’affaire Daval, a employé à plusieurs reprises le terme “féminicide”.
Autre point positif à noter cette année : la mise en place du dispositif des bracelets anti-rapprochement dans le cadre des cas de violences conjugales.
A lire : Des bracelets anti-rapprochement pour les auteurs de violences conjugales
Si la parole se libère dans la société, le gouvernement semble décidé à prendre la direction opposée.
Après la nomination d’un violeur présumé en tant que ministre de l’Intérieur, le gouvernement annonce en novembre 2020 la mise en concurrence du 3919, la ligne historique d’écoute pour les femmes victimes de violences.
Rentabiliser les violences au détriment de la prise en charge des victimes ? C’est la ligne politique du gouvernement Macron, déplorée par les associations et collectifs.
Le viol conjugal : le sexe n’est pas un devoir
Si la loi rappelle que le mariage sous-entend une “communauté de vie”, il ne fait aucunement état d’un “devoir conjugal”. Ce dernier est pourtant bien ancré dans la société, ce qui rend particulièrement taboue la question du viol conjugal.
A lire : Le devoir conjugal : se forcer à faire l’amour avec son-sa partenaire n’est pas une bonne idée
En mars 2020, le collectif Nous Toutes publie une étude réalisée auprès de 96 600 femmes qui révèle des chiffres glaçants :
- Une femme sur deux a déjà été victime d’un viol conjugal
- 9 femmes sur 10 ont subi des pressions de la part de leur partenaire pour obtenir un rapport sexuel
Même au sein du couple, une pénétration sous la contrainte, violence, menace ou surprise est un viol. Si la loi est claire, la culture du viol ambiante est telle qu’il est parfois impossible de réaliser que l’on est victime de viol, sans parler de le déclarer ou qu’il soit condamné.
Rappelons que, seuls 10% des viols font l’objet d’une plainte, seulement 1% de ces plaintes aboutissent à une condamnation. Des chiffres encore plus bas lorsqu’il s’agit de viols conjugaux.
Heureusement, de plus en plus d’initiatives féministes naissent pour éduquer et sensibiliser. On nommera par exemple les collectifs de colleuses qui fleurissent un peu partout en France depuis 2019 créant prise de conscience et polémique à coup de lettres acryliques collées dans les rues.
Les violences économiques : l’autre facette des violences conjugales
Dans son podcast “Rends l’argent”, Slate s’intéresse aux dynamiques économiques au sein des couples et comment l’argent peut être utilisé pour “coincer” une victime dans une relation toxique.
De la même manière que la notion de “devoir conjugal” est ancrée dans l’inconscient collectif, la notion de “chef de famille” l’est tout autant. Ainsi, la majorité des emplois précaires et à temps partiels sont occupés par des femmes. Ce sont généralement elles qui abandonnent ou réduisent leur travail après la naissance de leurs enfants. Dans les couples de 3 enfants ou plus par exemple, 87% des pères travaillent contre 40% des mères (dont 54% à temps partiel).
Cela crée fatalement une dépendance financière au sein du couple. Dans les cas de violences, la prise de pouvoir va plus loin : pas d’accès aux comptes du couple, pas de visibilité sur les finances, seul interlocuteur pour les questions administratives, refus de signer des papiers… Ces violences bien réelles sont encore difficiles à quantifier mais reviennent sans cesse dans les récits des victimes.
Citad’Elles, lieu d’écoute et d’accueil des victimes de violences à Nantes, prévoit un rapport sur le sujet des violences administratives pour novembre 2021.
A lire sur Slate : Les violences économiques, l’autre facette des violences conjugales
Les violences psychologiques
Les violences psychologiques désignent le harcèlement moral, les insultes et menaces. Si elles existent parfois comme seules violences au sein du couple (13% des femmes en sont victimes), elles accompagnent presque toujours des violences physiques et sexuelles.
Voici les chiffres 2019 à retenir, publiés par l’Observatoire National des Violences faites aux Femmes :
- 8 victimes de violences physiques sur 10 sont également victimes de violences psychologiques
- 66% des victimes de violences affirment avoir subi des dommages psychologiques
Lorsque l’on est victime de violences, une solution rapide (mais temporaire) pour se protéger est l’ordonnance de protection. Demandée directement au juge des affaires familiales, elle ne nécessite pas de porter plainte. Elle permet de prendre des mesures comme l’éloignement du conjoint violent pour une durée de 6 mois renouvelable.
Peu connue, l’ordonnance de protection est relativement difficile à obtenir. Elle est le plus souvent accordée si la victime affirme avoir été victime de 3 types de violences différents.
Quand une victime demande une ordonnance de protection “seulement” pour des violences psychologiques (qui peuvent pourtant aller jusqu’aux menaces de mort), elle est refusée dans plus de la moitié des cas.
Au-delà du manque de réactivité des pouvoirs publics, déceler les violences (surtout psychologiques) au sein du couple peut s’avérer très difficile. Pour pallier ce problème, l’Observatoire des violences faites aux femmes de Seine-Saint-Denis et de l’association En Avant Toute(s) ont créé le Violentomètre.

Cet outil de sensibilisation permet de “mesurer” si sa relation amoureuse respecte la notion de consentement et surtout ne comporte pas de violences !
Les cyberviolences conjugales
En 2018, le Centre Hubertine Auclert publie un rapport sur les cyberviolences conjugales et dévoile ainsi un autre type de violence dont les femmes sont victimes.
Les chiffres à retenir :
- 80% des victimes de violences ont reçu des insultes par téléphone de manière répétée de la part de leur conjoint ou ex.
- La moitié des victimes de violences a déjà été menacée de mort
- 90% des victimes de violences ont subi au moins une forme de cyberviolence de la part de leur conjoint ou ex
La quasi-totalité des victimes de violences sont également victimes de cybercontrôle. Le cybercontrôle est le fait de se servir d’outils numériques pour contrôler et surveiller les déplacements et interactions sociales de sa partenaire. Confiscation du téléphone, interdiction de communiquer, partage de sa position… Voici quelques exemples de cybercontrôle.
Au-delà du contrôle, les outils numériques sont très souvent utilisés pour harceler la victime, réduire son autonomie financière et administrative (en changeant les mots de passe par exemple) ou la menacer de diffuser des contenus intimes.
A lire : Cyberviolences : Internet est-il une zone de non-droit ?
L’activité numérique permet aux partenaires violents d’exercer une emprise quasi permanente sur leur victime, qu’ils en soient physiquement séparés ou non. Ce type de violences s’observe particulièrement chez les victimes les plus jeunes.
Si la plupart de ces actions sont des délits punis par la loi, les plaintes sont malheureusement classées sans suite dans 2 cas sur 3.
Que faire ? Encore une fois, comprendre et connaître ses droits est essentiel. Pour cela, on salue le travail des juristes militantes @olympereve et @faitsminisme qui informent sur ces sujets.
Les ressources utiles
Si tu es victime ou témoin de violences, voici quelques ressources utiles.
Signaler des violences
- Signalement en ligne violences conjugales sexuelles ou sexiste sur la plateforme du gouvernement
- Portail de signalement des cyberviolences du gouvernement
- Formulaire de pré-plainte en ligne : pour les atteintes aux biens (vols, dégradations…) et les faits discriminatoires (discrimination, injures, etc.)
- Signalement d’une situation de danger ou de risque de danger pour l’enfance : le formulaire en ligne du 119
Demander de l’aide
- 3919 : violences femmes info
- 119 : service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger
- 0800 05 05 95 : Collectif féministe contre le viol
- 116 006 : numéro d’écoute pour toutes les victimes d’infraction
S’informer
- Le tchat de commentonsaime.fr
- Le site : https://violencesquefaire.fr/
- Le CIDFF de ta région
- Le planning familial de ta région
En cas d’urgence
- 17 : police secours
- 114 : numéro d’urgence accessible par SMS
- 112 : numéro d’urgence général (fonctionne partout en Europe)