Les femmes, ces grandes perdantes de la réforme des retraites

La manifestation intersyndicale contre la réforme des retraites de jeudi 19 janvier a rassemblé près d’1,2 millions de personnes selon le ministère de l’Intérieur, 2 millions selon la CGT. Retour sur cette réforme particulièrement injuste pour les femmes et minorités.

C’est la deuxième fois depuis le début du quinquennat Macron que le gouvernement propose son projet de réforme des retraites. En 2019, le mouvement contestataire des Gilets Jaunes avait inondé les rues de France appelant à un soulèvement national contre la réforme. Quelques mois plus tard, projet et contestation étaient avortés, l’entièreté du pays confinée pour cause de Covid-19.

L’objectif de la réforme est de repousser l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans et d’augmenter le nombre de personnes qui vont devoir cotiser 43 annuités, une annuité étant équivalente à quatre trimestres travaillés. Un projet qui va « contribuer à aggraver les inégalités » lit-on dans le dernier rapport d’Oxfam France.

En France, le système des retraites actuel fonctionne par répartition. L’ensemble des cotisations versées chaque année sert à payer les cotisations des retraité·es actuel·les. Chaque génération paye pour la génération précédente.

L’âge légal de départ en retraite est aujourd’hui fixé à 62 ans. On ne touche pas une retraite à taux plein pour autant. Ce qui définit le montant de ta retraite c’est le nombre de trimestres durant lequel tu auras travaillé. Sous François Hollande, la réforme Touraine — du même nom que la ministre des Affaires sociales qui l’a mise en place — prévoyait un passage progressif à 43 annuités, mais le projet actuel veut accélérer ce processus et augmenter le nombre de personnes qui cotiseront 43 annuités.

Là est tout le problème, on peut partir à l’âge légal de retraite mais tout de même toucher une pension plus faible. C’est le cas pour des carrières dites hachées ou si on a commencé à travailler plus tard pour cause d’études par exemple.

Système de retraite déjà inégal

Si cette réforme des retraites est considérée par la Première ministre Élisabeth Borne comme « bénéfique pour les femmes », la réalité est tout autre. Dans le pays, les femmes touchent actuellement 40 % de cotisation en moins que les hommes. La pension moyenne des hommes retraités est de 1 947 euros contre 1 399 euros pour les femmes.

Photo de Samuel Boivin / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Congés maternités, accident de travail, difficile accès à un 35 heures… Trouver un emploi lorsque l’on est une femme, et d’autant plus quand on est une femme racisée, c’est un peu l’Everest pour rentrer dans les cases du gouvernement et de ses cotisations retraites. Les femmes représentent 60 % des personnes en CDD et 83 % des temps partiel selon Attac.

Du côté des familles monoparentales, « 15 % des mères actives sont victimes de bas salaires, de temps partiels contraints, morcelés et peu rémunérés et vivent sous le seuil de pauvreté. » constate l’Observatoire des inégalités en 2017.

Tiziri Kandi appuie également que ces emplois les plus précaires et sous-payés sont exercés par des femmes racisées : « Le travail de nettoyage est très majoritairement fait par des femmes racisées, et elles ont souvent des problématiques administratives (difficultés à obtenir des titres de séjour, etc.), ou des mères isolées. Les employeurs jouent là-dessus pour maintenir les salariées dans des situations de précarité. »

Sans oublier que même si elle réussit à avoir un poste équivalent à celui d’un homme, les femmes sont 16,8 % moins payées que ces derniers.

Elles sont aussi moins nombreuses à travailler en fin de carrière. D’après l’agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, 57% des hommes entre 55 et 64 ans sont en activité, contre seulement 53% des femmes. Un chômage des séniors qui touche donc plus les femmes.

Écraser les femmes

La députée Rachel Keke, entendue sur le plateau de la Média TV mercredi 18 janvier, déplorait : « Je ne comprends pas pourquoi à chaque fois que le gouvernement tente une réforme des retraites, il ne pense pas aux femmes. » Cette ancienne femme de ménage, porte-parole du mouvement de grève de 2019 à 2021 de l’hôtel Ibis Batignolles à Paris, va même plus loin : « Cette réforme écrase les femmes, méprise les femmes. »

Olivier Dussopt, ministre du Travail, assurait devant l’Assemblée : « les femmes vont être mieux protégées. » Il arguait devant une foule de député·es énervé·es que l’intégration des trimestres cotisés pendant les congés parentaux était la garantie d’une « protection des plus fragiles et des femmes. »

Un argument que démonte Youli Yamamoto, porte-parole de l’Attac et co-fondatrice du collectif Les Rosies : « Les femmes ont des mauvaises carrières, elles sont pénalisées à tellement de niveaux. Les femmes ont beaucoup de temps partiels, elles ont des carrières hachées parce qu’elles y sont obligées pour la prise en charge des enfants parce qu’il y a une insuffisance globale dans les modes d’accueil. »

De plus, le gouvernement a déjà retiré quatre points de pénibilités en 2017. Ces points pouvant permettre à certaines professions de partir plus tôt en retraite suite à une carrière physiquement difficile, comme c’est le cas des aides-soignantes.

Sans oublier, comme le souligne l’association Attac, que « du fait de biais sexistes, la pénibilité des métiers féminins est très souvent occultée. »

Après une première journée de grève jeudi 19 janvier qui a atteint entre 1,2 et 2 millions de manifestant·es, les syndicats appellent à une nouvelle journée de mobilisation le 31 janvier. Alors, n’oublies pas ta pancarte.

Jade Bourgery
Jade Bourgery
Co-fondatrice de Potiches, j'ai fait l'école de journalisme de l'ESJ, travaillé pendant un an à Mediapart et je pige pour plein de médias très cool. Mes dadas : les inégalités femmes/hommes, l'écologie et le monde du streaming. En secret, je suis passionnée de polar, j'écoute en boucle "Holding out for a hero" de Bonnie Tyler et je suis tatouée de partout.

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