Depuis plusieurs décennies, les city stades et streetworkout émergent dans les villes de France. Ces aménagements dédiés au sport collectif pour le premier, ou à la musculation pour le second, apparaissent notamment dans les quartiers ou les zones périphériques. Une grande question que ces espaces soulèvent est celle de la fréquentation : pour qui (et par qui) sont installés ces espaces sportifs de rue ?

Les city stades et le sport dans la rue : pour qui ?
C’est bien connu, seuls les hommes ont énormément d’énergie et doivent se défouler en l’extériorisant. Il est considéré d’intérêt général que les jeunes hommes aient des espaces de défouloir. Ces aménagements sont alors pris d’assaut par des hommes qui représentent quasiment 100% du public. Un taux de fréquentation des city stades par les femmes est si faible, c’est dû notamment à l’exclusion spatiale qu’elles subissent dans la ville. Cela est clairement démontré par les écrits et études du géographe Yves Raibaud qui s’est longuement penché sur le sujet.
La rue est moins praticable si l’on porte des talons ou une jupe, si l’on pousse une poussette, accompagne une personne âgée ou si l’on revient d’une heure et demi de courses pour une famille de cinq personnes. En ville, une femme passe, accélère le pas – parce qu’elle se fait accoster à chaque coin de rue – ou pense ses déplacements au plus court. Tandis qu’un homme, lui, a tendance à rester, s’attarder, traîner, se regrouper.
C’est le même phénomène qui est observé dans les city stades. Les hommes y sont majoritaires car il est cautionné – et encouragé par les aménagements subventionnés par les municipalités – qu’ils y soient présents et à l’aise.
Quelle place pour les femmes dans l’espace public ?
En France 75% des budgets municipaux, sont alloués aux loisirs des “jeunes” pour ne pas dire des garçons : skatepark, street workout, city stades … Si les sports qui y sont pratiqués sont aussi exercés par des filles,ils gardent une connotation masculine forte. Créer des espaces pour ces activités c’est encore augmenter leur présence dans l’espace public.
Quand les garçons viennent en bande pour faire une partie il est compliqué pour une ou deux filles seules de s’imposer dans une équipe. Et si par miracle, une jeune fille arrive à prendre part à un match, il y a de grande chance pour qu’elle soit moquée, cible de coups bas ou de gestes agressifs, sous prétexte qu’elle n’a pas le niveau.
La rare présence féminine dans ces espaces est accentuée par le fait que les jeunes femmes sont plus rapidement ramenées vers l’espace privé et domestique. Elles sont responsabilisées plus tôt que les garçons mais aussi plus mise en garde sur les dangers de la ville pour elles et se restreignent donc dans leur activité.
On voit bien que le coeur et l’origine du problème sont ailleurs : dans l’éducation et les normes sociétales bien sûr. Donc les garçons ont des espaces sociétaux supplémentaires ce qui les encourage à croire qu’ils sont majoritaires, plus importants et décisionnaires, tandis que les jeunes filles subissent très tôt l’assignation à l’espace domestique et aux tâches du care pour le bien commun.
Se réapproprier la ville
Heureusement, de chouettes initiatives se mettent aussi en place pour lutter contre cette appropriation. La mairie de Paris avait organisé des marches exploratoires sur l’année scolaire 2017-2018 pour rassurer les jeunes filles sur la ville et les aider à être plus à l’aise dans l’espace public.
On voit également de plus en plus de municipalités aménager des créneaux horaires exclusivement féminins dans les city stades et/ou encadrés par des associations. L’initiative “L dans la ville”, par exemple, propose des activités culturelles et sportives pour encourager la pratique d’activités physiques et empowerer les jeunes femmes. Voilà une note finale plutôt rassurante.
Hauts les coeurs mesdames, la révolution est en marche, dans les rues, et jusque sur les chasubles !
Bibliographie :
Yves Raibaud, La ville faites par et pour les hommes, Ed Belin, 2015.