Depuis le 11 mai 2020, entre collages et manifestations, la France assiste à un dé-confinement militant et féministe. Ces différentes mobilisations sont indispensables au redémarrage social du pays, à travers une lutte pour conscientiser et améliorer le quotidien des femmes, mais aussi d’autres minorités laissées pour compte par les politiques actuelles.
Dans une période où l’importance de la relance économique dépasse celle des besoins sociaux, les mouvements féministes portent leur voix, et comptent la faire entendre.
Une tribune pour la mise en place d’une autre politique de relance
Le 22 mai 2020, différents collectifs féministes comme le Planning Familial, des collectifs de collages ou encore des branches locales de l’association Nous Toutes ont publié une tribune sur Médiapart baptisée “Face à la crise sanitaire, économique et sociale, un plan d’urgence féministe !”.
Cette tribune s’est vue attribuer deux rôles principaux. Le premier est l’énonciation de revendications féministes pour la politique de relance du pays. Le second est un appel au rassemblement pour une journée d’action féministe nationale, le 8 juin 2020.
Les revendications déclarées dans cet écrit ont cinq axes principaux, qui concernent majoritairement des politiques sociales à appliquer par le gouvernement français.
Dans un premier temps, les collectifs demandent une revalorisation des métiers essentiels, qui sont majoritairement occupés par des femmes. Cette revalorisation serait effectuée à travers une augmentation des salaires, la mise en place d’une égalité salariale, et la reconnaissance des conséquences du travail sur la santé, entraînant une réduction du temps de travail.
Ensuite, une amélioration des services publics notamment, de ceux qui prennent en charge la petite enfance, pour plus de gratuité et une meilleure qualité de service. De plus, les collectifs revendiquent la réévaluation des besoins des foyers pour mettre en place des politiques permettant une répartition égale des tâches quotidiennes.

Par ailleurs, l’augmentation des budgets pour la recherche, l’embauche, et la titularisation des travailleuses sociales et hospitalières est exigée. L’objectif de cette réclamation est de rétablir les services fermés et les lits supprimés tout en offrant un accès au soins facilité.
Les collectifs énoncent également le besoin en logement des personnes qui subissent des violences sociales et économiques comme les femmes victimes de violences conjugales, les réfugiées, les sans-domicile-fixe, les travailleuses du sexe, les migrantes ou encore les LGBTQI marginalisées. Ce besoin requiert l’allocation d’un budget et la mise en place de mesures conséquentes.
Enfin, un rappel de la nécessité de la mise en place d’une politique d’éducation au genre et à la sexualité est réalisé puisque cette dernière permettra, à terme, de déconstruire les rapports de domination.
Une mobilisation peu médiatisée
L’appel à la mobilisation du 8 juin 2020 a été réalisé sur les réseaux sociaux par une majeure partie des collectifs féministes signataires de la tribune. Cette mobilisation a cependant été très peu médiatisée.
Sur les réseaux sociaux, les collectifs n’ont pas partagé de photographies des rassemblements sur leur “feed” Instagram ou Facebook. Certaines photographies du rassemblement à Caen sont disponibles sur l’événement créé pour l’occasion.
Dans les médias dits “mainstream”, comme la télévision ou les sites de presse en ligne, la mobilisation du 8 juin 2020 n’est presque pas couverte. Cela pose un problème non seulement de visibilité mais également de retombées car il n’y a pas de décompte des manifestantes, et les idées défendues n’ont pas été entendues.
Une reprise des collages, en soutien avec le mouvement Black Lives Matter

Le déconfinement a permis aux colleuses de reprendre leur activité, tout en permettant de faire passer de nouveaux messages.
Les colleuses ne se réduisent plus à une unique lutte contre les violences conjugales et les féminicides. Après le confinement, de nouveaux messages sont apparus comme la lutte contre les violences policières, le soutien des métiers essentiels (infirmières, caissières, etc.) et la participation au mouvement Black Lives Matter. De nombreux collages énoncent “Moi aussi, j’ai peur de la police”, “Black lives matter”. À Nantes, un message important a été collé pour participer à l’appel à manifester le 8 juin : “Si les femmes s’arrêtent, l’hôpital s’effondre. #8juinféministe”.
Les collages récents arborent tout de même les valeurs qui sont la genèse des collectifs : la lutte contre les violences sexuelles et conjugales, ainsi que la lutte contre le patriarcat. À Grenoble, nous pouvons lire “Qui ne dit mot dit non”, à Marseille “Confinement en France : + 30 % de signalements pour violences conjugales” et à Paris “Toi qui arraches nos messages : as-tu quelque chose à te reprocher ?”.
Les collages permettent une réappropriation de la rue par les féministes et la diffusion de messages cruciaux, sans filtre et visibles à tous.