Mardi 18 janvier, Valérie Pécresse a proclamé devant Jean-Jacques Bourdin, récemment accusé d’agression sexuelle : “La loi du silence, c’est fini !”. La candidate Les Républicains à l’élection présidentielle a surpris, à gauche comme à droite. Mais sur le fond, son programme et son parcours politique révèlent une personnalité plus contradictoire.
“C’est le combat d’une vie politique que je vais mener. […] Je l’ai dit aux femmes de ma famille, […] toutes ces femmes qui étaient très fortes dans mon entourage, mais que la société de l’époque a toujours maintenu un peu en arrière. C’est elles qui m’ont appris à avoir confiance en moi.” Qu’ils sentent bon le féminisme, ces mots de Valérie Pécresse au micro de France Inter le 6 décembre dernier. Première femme de l’Histoire désignée candidate du parti Les Républicains, elle n’hésite pas à mettre en avant son parcours de femme politique dans un parti impregné du machisme gaulliste.
Issue d’un milieu patriarcal et bourgeois, la candidate de droite a été confrontée à cet univers. Dans l’émission “Une ambition intime” présentée par Karine le Marchand, elle racontait à l’automne le bizutage dont elle fut victime à HEC, par les garçons de l’école : “On nous réveillait à cinq heures du matin, on nous faisait faire des pompes, porter des charges, mimer des actes sexuels en nous faisant sucer des saucisses. C’était très humiliant.” Si elle s’en est sortie, elle admet “qu’à l’heure de Metoo, on ne pourrait absolument plus bizuter comme [elle l’a] été.”
Dans l’émission “Face à Bourdin”, elle a saisi une occasion en or de se positionner comme défenseure du droit des femmes. “Très clairement, ces accusations, si elles sont avérées, sont graves et doivent être condamnées” a déclaré la candidate au journaliste, avant de promettre que sous sa présidence, elle ne laisserait “aucune femme avoir peur de porter plainte.” Si de nombreuses personnalités politiques ont salué les mots de Valérie Pécresse, notamment Sandrine Rousseau, d’autres ont pointé les contradictions de la candidate avec ses positions passées. En 2013, pendant l’affaire George Tron, celle qui était alors députée des Yvelines avait donné son avis sur le non lieu de l’édile : “Je pense aux épreuves qu’il a endurées. La présomption d’innocence existe-elle pour les politiques ?”, se réjouissait-elle. Finalement, le maire de Draveil a été condamné en 2021.
Attachée à des valeurs familiales traditionnelles, Valérie Pécresse s’est d’autre part souvent impliquée dans des dossiers concernant les droits des femmes et des familles. Députée des Yvelines, elle était d’ailleurs en 2006 l’autrice d’un rapport sur les droits et la protection des enfants. Mais en tant que candidate, Valérie Pécresse tire la barre bien plus à droite, quitte à délaisser les droits des minorités sexuelles et racisées.
Stigmatisation des musulmanes
Désireuse d’attirer l’électorat de la droite dite “radicale”, voire zemmouriste, Valérie Pécresse en reprend ses obsessions. Le premier : “interdire le port du voile forcé,” sans préciser comment elle compte attester qu’une femme porte un voile de manière voulue ou non. Le voile serait également interdit à toutes les accompagnatrices scolaires. Idem pour le burkini dans “tous les espaces de baignade”.
Le droit du sol est aussi visé par Valérie Pécresse. Ce droit, qui existe depuis 1851 en France, offre la nationalité française à toute personne majeure, née en France et de parents étrangers nés à l’étranger. Sous une présidence Pécresse, ce droit serait conditionné à “la vérification de l’assimilation (maîtrise de la langue, respect des valeurs de la République)”. Un compromis entre “l’assimilation” prônée par Zemmour et “les devoirs avant les droits’” de Macron.
Pas de projet clair contre les violences sexistes et sexuelles
Si elle prévoit d’augmenter les moyens de la Justice, Valérie Pécresse ne s’attarde pas sur les violences faites aux femmes. Sa principale mesure en ce sens concerne la répression des violences intrafamiliales. Elle promet de traiter “en particulier les violences conjugales”, en les instruisant sous 72 heures, pour un jugement en 15 jours. Dans tout son volet judiciaire, l’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy dote les forces de l’ordre d’énormes moyens. Outre son programme officiel, Valérie Pécresse promettait dans Le Monde la création d’une juridiction dédiée aux violences intrafamiliales et l’abaissement du délai de délivrance des ordonnances de protection pour les victimes.
Cependant, aucun plan de formation n’est prévu pour pallier les défaillances systémiques pointées par les associations et militantes féministes depuis cinq ans. Rien non plus sur le traitement des plaintes de femmes victimes de violences sexuelles et sexistes, ni contre les violences policières racistes systémiques, mises en lumière sous le quinquennat Macron par (entre autres) Assa Traoré et le mouvement BLM.
Des mesures pour la famille et les pensions alimentaires
Les quelques mesures sociales présentes dans le programme de Valérie Pécresse s’axent sur la famille. Elle y propose de défiscaliser les pensions alimentaires des familles monoparentales. Son équipe part du constat que la majorité des parents seuls sont des mères et que leur précarité est plus grande après une séparation. Constat qui s’appuie sur les données de l’INSEE : en 2018, 45 % des enfants en famille monoparentale avec leur mère étaient considéré·es comme pauvres, contre 22 % avec leur père. Autre promesse sociale : la présidente de la région Ile de France compte “déconjugaliser” l’Allocation Adulte Handicapé, ce que la majorité actuelle n’a jamais voulu faire. Il y a quelques mois, Potiches expliquait pourquoi le calcul actuel de cette allocation, basée sur les revenus du couple, était inégalitaire.
“Démarier les couples homosexuels”
On l’a vu, la famille revêt une importance capitale chez Valérie Pécresse. Au point de la mener… dans les rangs de la Manif pour tous. Fondée dans l’opposition au projet de loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, cette association LGBTphobe a reçu le soutien de beaucoup politiciens et politiciennes de droite, dont Pécresse.

En novembre 2012, elle n’hésite pas à prendre l’initiative en proposant de “démarier les couples homosexuels”, s’affirmant contre le projet de loi Taubira.
Très attachée aux valeurs patriarcales de son milieu politique, elle imagine pour les couples homosexuels “un statut d’union civile et le transfert des droits [du mariage] sur un statut d’union civile. »
Un an plus tard, elle annonce sur RTL “avoir changé d’avis”, se démarquant ainsi des cadres les plus réactionnaires de son parti. Élue présidente de la région Île de France en 2015, elle n’hésite pourtant pas à intégrer trois élus de Sens Commun dans son équipe. Plus LGBTphobe encore que la Manif pour Tous, cette organisation n’a cependant pas été satisfaite de l’action de Valérie Pécresse à la tête de la région. Suite à l’investiture de cette dernière comme candidate LR, Sens Commun a préféré se rallier à la candidature d’Eric Zemmour.
Un engagement LGBT très électoraliste
Les raisons de l’insatisfaction de ce mouvement tiennent au fait que Valérie Pécresse a privilégié une certaine forme de modération envers le camp homophobe, comme envers la cause LGBTQI+. Nous avons contacté l’association Inter-LGBT, organisatrice de la Marche des fiertés à Paris. Dans ses actions et son financement, elle est fréquemment en relation avec la présidente de l’Ile de France.
De la partie culturelle de cette marche, Valérie Pécresse n’a jamais touché au financement. En revanche, le char, habituellement financé par la région, a été supprimé : “Le motif invoqué était que le CRIPS [Centre régional d’information et de prévention du sida, ndlr] disposait déjà d’un char et que cela suffisait”, nous a confié le porte-parole d’inter-LGBT. “Pour elle, cela a eu pour avantage de limiter son engagement politique en faveur de la marche.” De ce fait, la candidate LR a évité de se mettre trop à dos ses co-listiers de Sens Commun.
La même logique s’observe sur le financement des associations LGBT. Parmi toutes les structures existantes, Valérie Pécresse a privilégié durant son mandat des associations plus proches de son socle idéologique, comme Flag, l’association LGBT des pompiers et des forces de l’ordre. “Elle a la volonté de ménager deux électorats”, nous explique l’inter LGBT. “Elle ne veut vexer personne, alors elle joue sur les deux tableaux et au final, presque personne n’est satisfait.”
Interrogée sur la candidature de Pécresse pour 2022, l’inter-LGBT a exprimé son inquiétude liée aux déclarations récentes de la candidate à propos des enfants transgenres.
Petit rappel des faits : le 7 décembre, les sénateurs votent l’interdiction “des thérapies de conversion” prétendant “guérir” l’homosexualité et la transidentité. Le 12 décembre, alors qu’elle précise être contre ces thérapies, Valérie Pécresse annonce qu’elle aurait voté contre ce texte, si elle avait pu. La raison ? Le texte comportait beaucoup d’articles », plaide-t-elle, ajoutant ensuite : « Les sénateurs Les Républicains ont fait une demande au gouvernement, cette demande, je la relaie : qu’on interdise les opérations avec des conséquences irréversibles de changement de sexe sur les moins de 18 ans. »
Comme indiqué par le magazine Têtu, cet argument si souvent repris par l’extrême-droite est une pure fake news. “Aucune opération de ce genre n’est pratiquée en France. Seul un traitement hormonal peut être donné, pendant la puberté, avec l’accord des parents et d’une équipe médicale pluridisciplinaire”, précise le magazine.
Cette fake news propagée en direct choque l’inter LGBT, qui avait organisé un débat entre toustes les candidat·es sur les questions de genre pendant la campagne des élections régionales. Absente, Valérie Pécresse avait envoyé l’un de ses vice-présidents, Patrick Karam. Celui-ci avait annoncé faire de la lutte contre la LGBTphobie une priorité.
Cette promesse régionale a déjà volé en éclats chez la candidate Pécresse, qui choisit à présent de reprendre les bons vieux mantras sarkozystes : stigmatisation, double discours, obsession identitaire. Tout cela pour flatter un électorat de plus en plus radicalisé.
Contactée, l’équipe de campagne de Valérie Pécresse n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien pour préciser son programme.