Les 20 et 27 juin 2021 ont eu lieu les élections régionales et départementales partout en France. Leur particularité ? Le taux de participation le plus bas pour ces élections de toute la 5ème république, surtout chez les jeunes.
L’abstention, symptôme d’une crise politique, est tout particulièrement prégnante chez les jeunes. 87% des 18-24 ans n’ont pas voté au premier tour. Et iels sont 8 sur 10 à s’être également abstenu·es au second tour.
Depuis une semaine, politiques, expert·es et médias s’interrogent : comment faire voter les jeunes ? Chez Potiches, on leur a donné la parole. Suzanne, Faust, Shiraz, Lorine, Léo, Simon et Marie nous partagent leur ressenti sur ces dernières élections.
Un manque d’information inquiétant
Comme le révélait un sondage IFOP de 2020, un quart des jeunes ne sont pas inscrits sur les listes électorales. De plus, 15% des inscrit·es ne le sont pas dans la commune où iels résident.
En effet, il n’est pas rare qu’entre 18 et 24 ans on ne vive plus au domicile de ses parents, sans penser pour autant à s’inscrire sur la liste électorale de sa nouvelle ville ou à faire une procuration. C’est le cas de Suzanne, 20 ans “J’ai oublié de faire ma procuration et je suis en Erasmus. J’aurais dû la faire pendant les vacances de décembre mais à ce moment-là il y avait pas de médiatisation”.

Lorine, 22 ans, déplore elle aussi le manque d’information à temps pour pouvoir changer de bureau de vote “Je n’habite pas chez mes parents et je suis rattachée la bas. Je n’étais même pas au courant. On devrait recevoir des SMS”.
Si les demandes d’inscriptions ou mises à jour sur les listes électorales peuvent être faites en ligne, le site du ministère de l’intérieur précise que “pour voter lors d’une année d’élection, il faut faire cette démarche au plus tard le 6e vendredi précédant le 1er tour de l’élection.” Dans le cas des départementales et régionales 2021, il aurait fallu s’inscrire avant le 14 mai. Un sujet sur lequel on manque d’information. “Je pense vraiment qu’il y a eu un problème de médiatisation de cette élection parce que ça a été un sujet vraiment tardif”, précise Suzanne.
Outre le système de vote, c’est l’enjeu même de ces élections qui n’est pas compris. A quoi sert une région ? Comment fonctionne un département ? Quels impacts sur nos quotidiens ?
Je pense vraiment qu’il y a eu un problème de médiatisation de cette élection
Autant de questions auxquelles on ne se sent pas capables de répondre, comme le dit Suzanne “je suis à la fois choquée que l’abstention ait atteint un niveau si élevé mais malheureusement je ne suis pas si étonnée. L’importance des échelons régionaux et départementaux est moins connue”.
Pour Faust, 21 ans, la responsabilité incombe à la classe politique mais aussi aux médias, “C’est lors du quinquennat Macron, que je me suis rendu compte que le système de la 5ème République ne correspondait pas à l’idée que je me faisais d’une démocratie qui respecte la pluralité d’opinion. J’ai pris conscience que les contres pouvoirs étaient presque insignifiants, que l’opposition perdait son temps à commenter le jeu médiatique. Les médias ont transformé le monde politique en télé-réalité ras des pâquerettes.”.
Pour Léo, 23 ans, les candidats n’aident pas non plus “Pendant la campagne [de Laurent Wauquiez], j’ai reçu un tract de son programme dans ma boite au lettres qui se résumait, comme beaucoup de candidats, à la sécurité (qui ne fait évidemment pas partie des responsabilités de la région)“.
Une jeunesse qui n’y croit plus
Les jeunes n’ont aucune conscience politique ? Cela semble bien simpliste. Toutes les personnes interrogées ont déjà voté au moins une fois lors de précédentes élections. Outre le manque d’information, l’abstention marque plutôt un abandon face au jeu politique, une jeunesse qui crie “on n’y croit plus”.
Shiraz, 22 ans, n’a pas voté pour cette raison toute simple “Je ne me suis jamais reconnue dans la classe politique et surtout, je ne me sens absolument pas considérée par toute cette élite avide de pouvoir…”. Simon, 25 ans, confirme “aucun parti politique ne colle à mes valeurs”.
à défaut de voter blanc, et bien je préfère gonfler les chiffres des abstentionnistes pour faire comprendre que notre système démocratique est cassé
Mais ce n’est pas parce qu’on a voté qu’on a beaucoup plus d’espoir. Pour Léo, le vote aux régionales sonne plutôt comme un vote d’urgence “Je comprends l’abstention mais pour une fois, on a l’occasion de faire dégager la droite, et en plus dans une des régions les plus importantes de France. Même si la gauche ne sera pas parfaite, elle sera beaucoup mieux que la droite avec ses responsabilités. La droite, voire l’extrême-droite avec Laurent Wauquiez, n’a rien fait à part promouvoir un racisme et une homophobie à moitié camouflée, il est important de voter pour se débarrasser de lui avant de prendre le temps de réfléchir à comment améliorer les choses.”.
Faust, qui a voté blanc, analyse “Les gens en ont probablement assez du système représentatif et rejette tout le monde, le fameux « tous pourris » et on peut difficilement donner tort à cette partie de la population, vu toutes les affaires judiciaires des politiques.”. Un sentiment de ras-le-bol partagé par Simon “à défaut de voter blanc, et bien je préfère gonfler les chiffres des abstentionnistes pour faire comprendre que notre système démocratique est cassé”.
Un rapport ambigu au droit de vote
Pour Shiraz, voter ou ne pas voter est une questions complexe “de façon générale, je pense qu’il est important d’aller voter, surtout en tant que jeune femme et surtout aux présidentielles… mais à la fois, je ne me vois pas aller voter alors que je me sens totalement exclue du monde politique… c’est une question complexe”.
Marie a 29 ans, elle fait partie des 20% des moins de 30 ans qui se sont pas déplacé·es aux urnes. Pour elle, voter est une marque de respect pour celleux qui n’ont pas le droit de vote à travers le monde, “j’ai aussi l’impression d’honorer le combat des femmes françaises qui se sont battues pour que l’on puisse voter”.
Alors que faudrait-il faire pour que les jeunes se déplacent jusqu’aux urnes ? Le vote, tel qu’il est aujourd’hui, permet-il d’exprimer ce ras-le-bol ? Est-il la seule manière de participer à la vie politique ?
si on avait des figures politiques à notre image, je serais peut-être allée voter
Pour Simon, la prise en compte du vote blanc serait un pas dans la bonne direction “Le fait de prendre en compte le vote blanc serait une raison suffisante pour me donner envie de voter à ces élections”. Faust pousse l’idée pour explorer une autre forme de démocratie : “Je défends la démocratie directe […] Je veux que mon vote soit pour décider de mes propres idées et projets pour la collectivité.”
Pour Lorine, “des candidats et des programmes plus différents” lui donnerait envie d’aller voter. Idem pour Shiraz “si on avait des figures politiques à notre image, je serais peut-être allée voter”.
Et si nous écoutions cette génération qui, bien que désintéressée, est loin d’être dupe ? Parce que cette abstention record c’est avant tout une belle leçon d’humilité. Et, quand on tend l’oreille, on se rend compte que c’est tout ce qu’elle demande : une démocratie dans son sens premier, le pouvoir au peuple.