Edito : Les limites de la patience

Dans 7 mois, nous élirons le ou la prochain.e président.e de la République française. Si cette rentrée de septembre est avant tout politique, elle n’en reste pas moins sociétale et blessée dans son féminisme.

En Afghanistan, les talibans ont repris le pouvoir après le départ des États-Unis, en place depuis 20 ans. Comme toi,  j’ai assisté, hallucinée, aux scènes de désespoir des afghan·es s’accrochant aux ailes d’un avion en plein décollage.  S’en est suivi une galerie interminable d’images de vitrines de magasins recouvert de peinture. Les talibans arrivent à Kaboul : couvrons nos femmes. Pour ces extrémistes, le véritable danger c’est le corps, l’esprit, la liberté des femmes. A croire qu’elles leur font peur tant ils les chassent à coups de fouet. A croire qu’elles les terrorisent tant ils les éloignent des bancs de l’université.

A 12 644 km de là, le Texas n’est pas si loin des talibans. Le Heartbeat Act signé le 1er septembre en bonne et due forme par une armée de conservateurs, blancs, cisgenres aux sourires crispés, a scellé le sort de 14,4 millions de femmes. Après six semaines de grossesse, il ne sera plus possible d’avorter. Si l’on rappelle, à nouveau, que 80% des grossesses sont découvertes après ce délai, on a un peu l’impression d’être prises pour des débiles. Malgré le soulèvement médiatique occidental que la nouvelle a généré, les texanes se retrouvent bien seules face à leurs tests de grossesse. Petit plus qui ne mangent pas de pain, les malheureuses qui tenteront tout de même de contrevenir à la loi pourront être dénoncées par un·e concitoyen·ne qui sera ensuite gentiment remercié·e par une prime en cas de condamnation judiciaire. La dépossession du corps des femmes est une mode qui ne date pas d’hier, les texans conservateurs peuvent sans aucun doute présenter leur plus beau high five aux talibans car eux aussi ont bien compris où était le problème. 

Le problème, à écouter notre société, c’est l’autre. Celui ou celle qui diffère, qui n’a pas la bonne orientation sexuelle, la bonne couleur de peau, le bon genre. Chic pas bon genre, nous sommes de plus en plus nombreuses à ne plus supporter le poids d’un patriarcat étouffant et l’insoutenable légèreté de ceux qui s’appuient sur nous. Ce n’est pourtant pas faute de témoigner, parler encore et encore afin d’alerter et d’informer sur la réalité que représente le genre féminin actuellement.  Aussi, les prochain.es candidat.es auront du pain sur la planche avant de nous attirer vers les urnes. Lors des dernières élections régionales et départementales, c’est 87 % des 18-24 ans qui ont préféré rester chez eux. Qu’en sera-t-il le 10 avril ? Les françaises supporteront-elles un nouveau face à face Marine Le Pen / Emmanuel Macron ? 

Cette année, il est temps pour les politicien·nes de tous bords de comprendre les véritables enjeux de notre société actuelle. Ce n’est pas la sécurité, la drogue ou le pouvoir d’achat qui nous préoccupent. Ce que nous voulons, c’est que nos  adelphes puissent se balader dans la rue tard le soir sans devoir prendre des cours de self défense. Qu’un homme accusé de viol ne soit pas nommé ministre de l’Intérieur. Qu’on ne nous coupe plus la parole sur les plateaux télévisés. Que toutes les femmes puissent avoir les moyens de posséder des protections hygiéniques. Que nous puissions être à l’abri au sein de notre foyer. Ce que nous voulons, c’est être respectées, estimées, en sécurité. Il ne doit plus y avoir de compteur de féminicides dans un pays qui a pour valeur constituante les droits fondamentaux. 

Le changement, c’est maintenant”, proclamait un certain Hollande en 2012. Près de dix ans plus tard, le changement se fait toujours attendre. 

Alors prenez garde, notre patience a ses limites.

Jade Bourgery
Jade Bourgery
Co-fondatrice de Potiches, j'ai fait l'école de journalisme de l'ESJ, travaillé pendant un an à Mediapart et je pige pour plein de médias très cool. Mes dadas : les inégalités femmes/hommes, l'écologie et le monde du streaming. En secret, je suis passionnée de polar, j'écoute en boucle "Holding out for a hero" de Bonnie Tyler et je suis tatouée de partout.

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