2020 se finit enfin, il était temps. Si cette année a beaucoup détruit sur son passage, cette destruction nous a permis d’entrevoir le pire comme le mieux, le mauvais comme le bon. Le militantisme de toutes et tous a été mis à mal, parfois impossible à mettre en œuvre. Mais tout n’est pas sombre, nous pouvons tirer de cette année une autre richesse : l’espoir.

Cette année était une année difficile. Pour toutes celles et ceux qui se considèrent comme militante.s ou engagé.es, réussir à se retrouver dans la totalité des luttes qui ont marqué 2020 était particulièrement complexe. La pandémie du coronavirus n’a pas aidé non plus. Nous nous sommes retrouvées enfermées les un.es et les autres chez soi, parfois en bonne ou en mauvaise compagnie. Puis l’élection du gouvernement Jean Castex a attisé les flammes. Alors comment résumer une année entière de luttes en un simple édito ? Tous les évènements qui ont dévasté le monde et la France se sont entremêlés les uns et les autres. Il en devient presque absurde de les séparer pour les traiter point par point. Le constat est pourtant sans équivoque : quelle année de merde.
C’est bien une chose sur laquelle tout le monde (ou presque) se retrouve. C’était une année longue, trop longue. Il faudra malgré tout mettre de côté ceux que l’on nomme les « super-riches » dont les fortunes ont enregistré leur plus forte hausse cette année : Jeff Bezos a gagné 74 milliards de dollars et Elon Musk est à présent assis sur un petit pactole de 103 milliards. Pendant ce temps, je galère à finir le mois et suis toujours assise sur mon canapé Ikea. Je fais pourtant partie des moins mal en point. J’ai, heureusement, toujours un toit sur la tête et je ne suis pas obligée de faire mes courses aux Restos du Cœur. Ce qui n’est pas le cas des 10 millions de pauvres que compte, en novembre 2020, notre pays. La crise du coronavirus a fait rejaillir les inégalités du pays des droits de l’Homme. Ceux qui étaient pauvres le sont devenus encore plus, ceux qui arrivaient à reprendre leur respiration hors de l’eau, on leur a appuyé sur la tête et ceux qui avaient une vie confortable n’ont pas bougé. Comme dirait le Candide de Voltaire : « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ».
Je ne sais pas vous mais 2020 a été pour moi une crise d’urticaire militant. Tout me démangeait. J’ai eu le besoin presque physiologique d’aller dans la rue, m’activer, réagir, m’insurger. Bref agir. Le problème c’est que mon seul traitement contre cet urticaire, c’était de me gratter. Rien n’a pu apaiser les démangeaisons. En mars 2020, je me suis confinée, comme le reste du pays. Au fil des mois qui ont suivi, j’ai voulu préserver mon grand-père et j’ai évité les rassemblements. Et mon corps a été parcouru de plaques rouges indélébiles. J’ai eu cette impression désagréable d’être inutile. Mon seul exutoire, c’était de parler. Alors j’ai inondé ma famille et mes proches de mes exaspérations quotidiennes. Je les ai tellement partagées qu’un ras-le-bol collectif a entamé mes relations familiales. Plus personne ne voulait entendre les injustices du monde qui nous entourait quand, déjà, leur quotidien, était devenu invivable. Si ce discours est largement compréhensible, il opère comme une claque. Non seulement agir est devenu quasiment impossible mais s’épancher l’est encore plus. Comment faire pour rester en phase avec ses principes ?
Beaucoup ont trouvé une solution parmi d’autres. Instagram, Twitter, TikTok, Facebook, les réseaux sociaux sont devenus la source régénératrice, la caverne dans laquelle chacun.e d’entre nous s’abrite. Grâce à eux et à certains médias, nous sommes parvenues à échanger, nous exprimer, être qui nous sommes. Des militant.es, des personnes engagées, qui font partie d’une communauté. Car si cette année 2020 fût difficile, elle nous a tout de même rappelé que nous n’étions pas seul.es. Qu’en chacun.e se trouve une part de communauté, un lien qui nous unit. Cette année, notre force fut de trouver une manière d’être membre d’un tout. Une communauté dont nous avons toujours fais partie. Que ce soit autour des luttes féministes, sociales, écologiques ou politiques, les réseaux – car ce sont bien des millions de connections qui se sont créées – se retrouver est devenu évident. Les désunions de la vie réelles se sont métamorphosées en symbole d’unions virtuelles universelles. Le pays s’est arrêté mais c’était sans compter sur l’agitation collective. Nous avons découvert de nouveaux pans de notre réalité, avons élargi nos engagements, découvert d’autres gens. L’imagination et l’entraide sont devenus illimités. Une crème apaisante pour soigner les plaies urticantes de la réalité. Si pour certains nous avons fui, il s’agissait avant tout d’un tournant essentiel à notre survie. Oui, Instagram m’a permis de soulever le poids que je faisais peser sur les épaules de ma famille en discutant féminisme et politique. Oui, Twitter m’a permis de suivre celles et ceux qui allaient manifester quand moi je ne pouvais pas le faire. Oui, TikTok m’a permis de m’évader de mon quotidien en riant devant des vidéos de chats qui portent un anorak. Oui, Facebook m’a permis de partager mes coups de gueule du moment, mes craintes, mes peurs ou mes victoires. Oui, nous nous sommes réfugiées, mais non pas pour être plus seul.es encore. Pour nous englober de chaleur humaine et survivre à cette année qui nécessite distanciations sociales et distanciations de l’être tout court.
Alors malgré le désespoir qui t’a parcouru ces longs mois et ces interminables soirée, rappelle-toi que tu n’es pas seule, d’autres sont à tes côtés. Face à 2021, nous nous tenons par la main, fortes et courageuses, car ensemble.