Diffusée sur Canal +, “It’s a Sin” illustre l’arrivée du sida dans le Londres queer des années 1980, en suivant trois jeunes hommes durant 10 ans. Russell T. Davies, créateur de la série Years and Years, réalise un nouveau coup de maître avec ce retour en arrière nécessaire.
Sortie le 22 janvier 2021 aux Etats-Unis et primée au festival international Canneseries, cette micro-série dramatique revient, sans tabou, sur l’épidémie de sida qui a frappé la communauté londonienne dans les années 80.
J’ai regardé ailleurs pendant des années. Enfin, je peux mettre le sida au cœur d’une fiction
Russel T. Davies dans une tribune publiée par The Guardian.
À l’origine de “It’s a Sin”, il y a le vécu de Russel T. Davies et celui de son entourage. En mettant en scène le “Pink Palace” (appartement de Ritchie, Roscoe, Colin, Ash et Jill) le réalisateur rend hommage à tous ces garçons morts du sida dont les familles n’ont toujours aucune reconnaissance. Il témoigne : “La stigmatisation et la peur du sida étaient si importantes qu’une famille pouvait vivre les funérailles, la veille, et des décennies de deuil sans jamais dire ce qu’il s’était réellement passé.”
Un bouillon d’énergie et de liberté
Tout part de trois garçons : Ritchie et ses rêves de grandeur, Roscoe qui fuit sa famille dévote qui voulait le “laver de son péché” au Nigéria, et Colin, le timide apprenti tailleur en pleine émancipation. Chacun emménage à Londres, dans les années 1980, peu de temps avant l’apparition du sida.

À force de fêtes, de nuits (et de partenaires) partagées, Ritchie et Roscoe emménagent ensemble, accompagnés par Jill et Ash, l’une amie, l’autre amant, tous deux étudiants en arts dramatiques. Quelque temps plus tard, ils seront rejoints par Colin. C’est ainsi que naît le Pink Palace. Temple queer qui suivra la liberté, la vie, les fêtes, les nuits de chacun. Le tout accompagné de musiques emblématiques de la période : Smalltown boy, de Bronksi Beat, Blondie, Eurythmics, Culture Club, sans oublier le tube des Pet Shop Boys qui a été choisi comme titre de la série, « It’s a sin ».
Un traitement empreint d’une fureur de vivre
Ayant vu la série avant d’avoir lu la tribune du créateur publiée par The Guardian, j’ai été marquée par la faim des personnages, de leur implication dans leur carrière, vie sexuelle ou plus tard, leur engagement dans la lutte contre le sida. Le sujet central de la série reste cette maladie, traitée justement, sans confusion possible entre VIH et sida. C’est une série tournée avec justesse et sans pathos – bien que les moments forts soient particulièrement émouvants.

Elle a tenu la main de tant d’hommes. Elle les a perdus, les commémorait, et je ne sais pas comment, elle continuait.
Dans sa tribune de The Guardian, Russell T. Davies témoigne de son intention artistique : rendre hommage aux garçons qu’il a connus ou non, mais également à son amie Jill, dont il a conservé le prénom pour son personnage dans la série. Il la surnomme “mère de sa Jill fictionnelle”. Pour “It’s a Sin”, le créateur s’inspire largement de la vie de son amie : “Elle a emménagé à Londres. Elle est devenue actrice. Elle a déménagé dans un appartement qu’elle a nommé le Pink Palace, qui était une fête infinie : les chambres remplies d’hommes gays, de drag queens et de chansons de comédies musicales. Jill a connu la crise de front. Elle a tenu au cœur de la tempête. Elle a été aux hôpitaux, aux funérailles et aux manifestations. Elle a tenu la main de tant d’hommes. Elle les a perdus, les commémorait, et je ne sais pas comment, elle continuait.”

Finalement, la série rappelle cette histoire si importante du sida, de son incompréhension, de son déni, de son acceptation par certains et de son rejet par d’autres. “Il était dit que cela n’affectait que les homosexuels, les hémophiles et les Haïtiens, comme si ça ne touchait que les gens qui commençaient par la lettre H. Ridicule ! Comment cela pouvait-il être vrai ?” témoigne Russell T. Davies. “It’s a Sin” témoigne aussi du cheminement du sujet dans les médias, au départ présenté comme “le cancer des gays”, et longtemps stigmatisé.
L’impact du Covid sur le dépistage
Alors que le pays est en pleine crise sanitaire, le portail d’information Vih.org, composé de journalistes et de spécialistes du VIH, alerte sur les conséquences du Covid. De moins en moins de dépistages, une baisse des prises et initiation à la PrEp… L’épidémie du Covid pourrait avoir des conséquences dévastatrices.
Depuis la mi-mars 2020, le nombre de test est inférieur de 15% aux attentes. « Le dépistage est une composante essentielle de la réponse à l’épidémie, et plus particulièrement de la prévention« , rappelle la plateforme. Cette baisse pourrait s’expliquer par différents aspects de la crise du coronavirus. Durant les différents confinements organisés, les rapports sexuels ont été moins fréquents et les centres PrEp étaient dans l’incapacité d’accueillir leur public.
Lors du Sidaction de mars 2021, la présidente Françoise Barré-Sinoussi alertait sur « une diminution du dépistage de l’ordre de 50 à 60% selon les régions. » Des chiffres préoccupants car, « S’il y a du retard dans les dépistages, ça veut dire un retard dans la prise en charge thérapeutique des personnes vivant avec le VIH et donc des conséquences graves tant sur l’épidémie que sur le bénéfice de ces traitements pour les patients« .