La broderie : un moyen d’expression artistique. Entretien avec Anaïs d’une fille et du fil

Quand je me suis mise à broder toute seule dans ma chambre, je voyais ces brodeuses de fou, dont le travail, la précision et les couleurs m’inspirent. Elles sont de plus en plus nombreuses, ces femmes qui dépoussièrent l’image de la broderie, ce loisir créatif un peu vieillot, et en font un moyen d’expression aussi cool que créatif. Aujourd’hui, j’ai eu la chance d’échanger avec l’une d’entre elles ! Anaïs, brodeuse de talent et créatrice d’Une fille et du fil nous en apprend plus sur sa passion.

Bonjour Anaïs, tout d’abord : qui es-tu ?

Je m’appelle Anaïs, je suis photographe de formation, et ça fait plus de 3 ans et demi maintenant que je me suis lancée dans la broderie !

Peux-tu un peu parler de ton rapport à la broderie : comment tu l’as découverte ? Pourquoi la broderie ?

Je bossais dans une fondation où je prenais en photo les collections (lettres, estampes, …). C’était très enrichissant et j’ai eu la chance de tenir entre les mains des choses merveilleuses ! Seulement, au bout de plusieurs années, j’avais besoin de quelque chose pour casser un peu ce train-train quotidien, quelque chose de manuel ! Et si possible un bon déstressant.

Un jour, mon copain (La Main Gauche) qui est très doué avec les lettres, me dit que ce serait « stylé de pouvoir avoir des vêtements avec de belles typos, à nous ». 

J’avais déjà vaguement tâté le terrain et avait déjà acquis quelques bases au club canevas au collège (à l’époque, j’avoue que je ne m’en vantais pas vraiment haha) et étant aussi attirée par l’univers de la mode en général, je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire.

Au début, avec l’aide de mon copain pour dessiner, j’ai commencé par broder des typos sur des tambours, que je collais de sorte à faire des objets de déco. Au fur et à mesure j’ai brodé des pièces comme des vestes, des bananes, des t-shirts avec mes propres dessins et puis s’en sont suivies des commandes et des collaborations.

Le fait de pouvoir moderniser ce domaine me donnait accès à 1001 possibilités, de pouvoir jouer avec les textures, les couleurs, les ambiances, j’ai commencé à ne penser qu’à ça, à tel point que je me sentais frustrée au travail, et en décembre 2019, j’ai fait une rupture conventionnelle pour pouvoir broder à temps plein !  

Comment te viennent les idées pour tes créations ? Peux-tu nous en dire un peu plus sur ton processus (l’idée, la réalisation, le temps passé…) ?

C’est assez compliqué de dire d’où viennent mes idées, j’en ai à peu près 1000 par jour,  je dois avoir des tonnes de papiers avec des idées griffonnées partout chez moi ! C’est aussi comme ça que je commence 1000 projets en même temps, j’ai toujours peur d’oublier, ou alors je suis toujours trop pressée de commencer ! Je suis une grande impatiente, ce qui est le comble lorsque l’on fait de la broderie !

Je m’inspire beaucoup de tout ce qui touche à la rue. Le rap, les vieilles affiches, l’argot, l’histoire… mais pas seulement . J’aime tout ce qui touche aux années 90, la nature, l’art en général… Je me passionne pour énormément de choses. J’essaye de faire un micmac de tout ça et de le retranscrire dans mes créations.

En général, je relis mes petites notes, je pioche une idée, je la mets en forme, la redessine… J’improvise le plus souvent pour la déco et les couleurs, je ne sais jamais de quelle couleur sera telle ou telle broderie, ou quelle fleur y figurera, si elle sera entièrement brodée ou si au final, j’ajoute un peu de peinture…

En termes de temps, c’est tellement variable, je peux faire des broderies qui durent 40 minutes comme 8 h ou bien des semaines ! Je crois que celle qui m’a pris le plus de temps, c’est une collaboration avec Lucy Macaroni, où j’ai rempli une femme barbue tout en point de noeud.En vrai impossible de compter, je sais que j’ai mis des semaines à la réaliser !

Broderie réalisée par Une fille et du fil, d'après un dessin de Lucy Macaroni
Broderie Une fille et du fil, réalisée d’après un dessin de @lucymacaroni

En parlant d’inspirations, peux-tu nous partager quelques comptes qui t’inspirent ou que tu aimes tout particulièrement ?

J’avoue que je regarde surtout des comptes d’illustrateurs, mais il y a quand même deux comptes que je trouve vraiment stylés, qui innovent complètement et où les créatrices ont beaucoup de talent : celui de @Ipnot qui est juste incroyable, elle brode des parts de pizzas et tout plein de choses très réalistes, avec des photos magnifiques qui jouent sur l’illusion, c’est incroyable !

Et celui de @Dagmarstap qui dans son style, reproduit des packaging : j’adore ce qu’elle fait aussi !

“Wesh”, “Fuck”, “Putain”, “Grosse moula”, “Balek”… Tu brodes souvent des mots, termes que l’on a l’habitude d’entendre dans la bouche d’hommes, les mêmes dont on entendrait qu’ils ne sont “pas jolis dans la bouche d’une fille”. Pourquoi ce choix ? Est-ce que c’est un moyen de se les réapproprier ?

Ce n’est pas vraiment un moyen de me les réapproprier, puis ce qu’ils sont déjà bien ancrés dans mon vocabulaire, et depuis bien longtemps ! Et, je pense, comme une grande majorité de personnes !

Je brode tout ce qui m’inspire, les gros mots, mais pas que ! Des mots qui proviennent de l’argot, des mots étrangers, qui ne viennent pas que de la bouche des garçons, mais d’un langage de la rue, populaire, que ce soit à l’époque ou de nos jours, garçons et filles compris .

J’aime beaucoup le rap pour ça, et la vieille chanson française, de type Brassens, Edith Piaf, qui étaient très doués pour ce parler !  Une vraie richesse linguistique !

Pour ta collaboration avec les culottes Maison Finou et l’association Meufs, Meufs, Meufs, tu as brodé des messages d’empowerment, de self-love. Est-ce que c’était la première fois ?

Non du tout ! J’ai déjà brodé de belles illustrations qui aspirent également à des messages d’amour, et de self love, notamment des collaborations avec mes copines Lucy Macaroni , Gomargu et Roxy Lapassade.

Mais c’est la première fois par contre que je participe à la création d’une collection entière autour de ce message, de surplus avec une créatrice et une association, qui mettent toutes deux en lumière chaque femme, dans leur travail.

Image du shooting
Photo : Slimane Brahimi

Aujourd’hui, bien au-delà du loisir créatif ou de la déco, la broderie est utilisée pour faire passer des messages féministes et politiques. Que penses-tu de cet usage ? 

Je pense que c’est très bien ! C’est un moyen d’expression comme un autre, pourquoi s’en priver ? C’est l’occasion de pouvoir faire passer un message d’une manière créative et pacifiste !

Pour finir, aurais-tu un conseil pour celles qui veulent se lancer dans la broderie mais ne savent pas par où commencer ?

De ne pas hésiter à se jeter à l’eau même si ça a l’air long et compliqué. Il y a pas mal de techniques et de types de points, je conseillerais de trouver le point avec lequel la personne sera le plus à l’aise. D’avoir de la patience, car cela demande du temps et d’être minutieux !

Ou bien de venir à notre atelier, pour apprendre à broder des petites culottes, organisée avec ma copine Delphine de Maison Finou et Meufs, Meufs, Meufs le 18 octobre ! 🙂 

Retrouvez les superbes broderies d’Anaïs sur son compte Instagram Une fille et du fil et sur sa boutique Etsy.

Mathilde
Mathilde
Féministe depuis toujours je m'engage depuis plusieurs années dans différentes associations et collectifs. J'aime la couleur menthe, le Gin to', décorer ma maison et rire très fort à mes propres blagues. J'écris des papiers pour aborder des sujets de société qui me tiennent à cœur, faire des déclarations d'amour ou pousser un bon coup de gueule ! ☀️♎ ↗️♉ 🌑♎

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