La télévision “tout public” ne l’est pas tant que ça : à l’heure où l’on débat aisément de films interdits aux moins de 18 ans, les séries pour ado ne sont pas exemptes de dérives.

AB production est une société emblématique des sitcoms des années 80 et 90 notamment dans le cadre des programmes jeunesses du Club Dorothée. De “Premiers baisers” à “Le miel et les abeilles” en passant par “les garçons de la plage”, ces séries abordent essentiellement les relations filles-garçons.
Quadra élevée par “Hélène, Nicolas et les autres”, je viens de faire une découverte : les rediffusions sont une mine d’or pour nourrir mon féminisme. Est-ce que les productions AB auraient vieilli ? Que nenni ma bonne dame, c’est moi qui aie vieilli. Et si l’âge c’est dans la tête, c’est aussi dans ma façon de réagir face aux redif’ de mes séries d’adolescente (bon ok l’âge ça se voit aussi un peu sur ma tronche mais ça c’est une autre histoire).
Avec le temps va, tout s’en va, comme dirait la chanson mais surtout avec le temps le regard s’affine, et le point de vue s’affirme. Selon la sociologue Dominique Pasquier, dans son ouvrage “Hélène et les garçons : une éducation sentimentale” paru en 1994 , le programme était « une série très moraliste ! (…) ça explique en partie son succès familial. C’est une sexualité rassurante, une vision très traditionnelle des rôles sexuels ! Hélène recoud les boutons de la chemise de Nicolas, Nicolas débouche la baignoire d’Hélène… « . Et bien malgré cela, cette série « familiale » est interdite à la maison…
Je me revois pourtant à 13 ans, me dire que la fac ça a quand même l’air bien cool quand je vois Hélène passer plus de temps à la cafèt’ ou au « garage » que dans un amphi. Je me vois aussi aujourd’hui, choquée de petites réflexions pas si anodines pour l’esprit en construction d’une ado. Alors oui Béné, c’est possible de dormir dans le même lit qu’un garçon sans que celui-ci attende quelque chose. Oui Cathy, on peut faire sans rimmel et rester une fille. Non José, Nathalie n’a pas cherché à se faire violer parce qu’elle flirtait. Je ne voyais pas le mal et aujourd’hui je me vois utiliser ma « culture » télévisuelle d’antan comme contre-exemple … il n’y a finalement pas que les rires enregistrés qui ont mal vieilli, la « vision traditionnelle des rôles sexuels » a pris pas mal de rides aussi !
C’est dans les vieux pots…

Pourtant, il semble bien qu’on ne change pas une équipe qui gagne (même si ce n’est que de l’audimat) ! On prend les mêmes et on recommence. Sous prétexte de suivre la mode des spin-off (séries dérivées), les personnages phares ont repris du service. “Les mystères de l’amour” semble renouer avec son public et ce, avec un certain succès. Et si les acteurs ont pris de l’âge, les histoires n’ont que peu évolué et retombent dans leurs travers d’antan : le personnage de Tania couche avec Nicolas sous hypnose ?! Dans le code pénal il me semble pourtant que cela s’appelle un viol non ? Les nostalgiques y trouvent certainement leur compte en n’y voyant qu’une fiction.
Et si je ne blâme personne j’en appelle à la responsabilité des institutions : pourquoi aucune signalétique jeunesse n’est-elle présente sur une sitcom abordant très largement le sexe et ce, sous toutes ces formes alors même qu’ “Amazon”, par exemple, ne recommande pas la série aux moins de 13 ans ?
Je m’en vais de ce pas revoir “Pretty woman” signalé “tout public”…