Trajectoire de femme, le roman graphique et percutant d’Erin Williams

TW : Cet article parle de violences sexuelles et de détresse psychologique, il peut heurter la sensibilité de certaines personnes.

La new-yorkaise Erin Williams nous fait découvrir, dans son roman graphique Trajectoire de femme, son trajet quotidien maison / boulot et toutes les pensées qui l’habitent. Un voyage publié le 4 mars 2021, qui nous plonge dans la routine d’une combattante, jusque sur les chemins les plus sombres de sa vie. 

Trajectoire de femme est un livre à part. Un peu roman, un peu BD, un peu œuvre d’art. Cet ouvrage dense (304 pages tout de même), publié le 4 mars 2021 aux éditions Massot et sous-titré Journal illustré d’un combat, est un voyage intime et percutant dans la vie de l’autrice et illustratrice américaine Erin Williams. 

En(tre) noir et blanc

Trajectoire de femme © Massot Editions – Erin Wiliams

Le roman graphique et autobiographique Trajectoire de femme est un voyage dans un voyage. Au fil du trajet qui la conduit de chez elle à son travail, Erin nous dévoile son histoire comme un paysage qu’on regarderait passer par la fenêtre du métro new-yorkais. Un paysage meurtri, en(tre) noir et blanc, le long duquel surgit parfois une page en couleur, de la poésie, comme pour lutter contre cet espace gris où, dans la vie, tout devient flou.

Entre soumission consentie et agression, honte et culpabilité, besoin de disparaître et envie de vivre…Erin Williams oscille. 

La place de la femme dans l’espace public ? L’autrice constate avec amertume qu’on est soit « désirable + visible ou indésirable + invisible ». La publicité et l’objectivation de la femme ? « Les filles, c’est un piège. On est TOUJOURS trop. Trop grosse, trop bruyante, trop vieille. Surtout on occupe trop d’espace. »

Nous voilà mises en garde.

A l’immobilisme de la peur, du désir de disparaître du radar des hommes malsains, s’oppose le mouvement. Celui de l’instinct de survie et celui du train dans lequel Erin monte, chaque matin, contrainte justement de s’exposer aux regards des autres passagers. L’image est simple, mais sans équivoque : la vie roule et une femme retient son souffle. On a toutes déjà été cette femme qui retient son souffle dans les transports en commun, on a toutes déjà ressenti cette « sensation permanente de danger » que décrit et dessine Erin. 

Au cœur de l’intime, le grand frisson 

On peut difficilement imaginer plus intime que l’œuvre d’Erin Williams. Les chapitres de  Trajectoire de femme ? Les étapes de ce trajet quotidien : Se préparer. En attendant le train. A bord du train. Sur le chemin du boulot. Faire une pause. Retour à la gare. L’autrice en profite pour nous plonger au cœur de son intime. Sam, Steven, Karl, Jim… Périples amoureux, anecdotes innocentes et puis soudain, des révélations douloureuses et brutales. « Ma première expérience sexuelle a été si horrible que je me saoule avant chaque relation intime ». 
Des viols, la difficulté de porter plainte face à une police mal formée, des violences obstétriques, le dégoût de soi, la souffrance qui mène à l’alcoolisme et ça même quand l’on est jeune et jolie… Erin Williams mets des mots vrais, crus, des dessins sans chichis, des gros aplats de noir et des sursauts de couleurs sur cet indicible qui secoue en silence le parcours de vie de nombreuses femmes. « Nous les femmes doutons de la réalité de nos propres expériences », Trajectoire de femme ancre dans le réel toutes les expériences traumatisantes de l’autrice et illustratrice new-yorkaise. C’est bouleversant de vérité, de fragilité et de force mêlées.

L’autrice l’écrit, « Il n’y pas plus grande violence que l’affection », et c’est avec toute l’affection de la sororité qu’elle dénonce le patriarcat en relatant son parcours difficile vers la sobriété, la réinvention de soi, le pardon… 

Voilà pourquoi il est tout à fait impossible de sortir de cette lecture indemne. Voilà pourquoi on a envie de dire de gigantesques mercis à Erin Williams. Merci pour votre intime et votre courage, merci pour la violence et l’espoir.

Clotilde Boudet
Clotilde Boudet

Tu vois la meuf qui parle de cul hyper fort en terrasse en mettant parfois ses voisins méga mal à l'aise ? C'est moi. Je m'appelle Clotilde, j'ai 27 ans, je suis parisienne et journaliste spécialisée dans le lifestyle (le style de la life quoi).

A 17 ans je pensais être une rebelle et finalement, je suis devenue un vrai cliché : j'aime plus Paris, je jardine, cuisine, médite, voyage. J'aime mon chat (sauf à 5h du mat, les proprio de félins savent...). Mais SURTOUT, j'aime écrire et débattre et croire qu'avec pas grand chose, chacun à son échelle, on peut changer le monde.

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