La 6e édition du Prix Art Humanité a eu lieu jeudi 15 octobre à Genève, en Suisse. Tristan Bartolini est le lauréat du prix du jury grâce à son travail nommé « L’inclusif-ve ». Il a en effet inventé plus de 40 nouveaux caractères d’écriture permettant d’allier les terminaisons masculine et féminine et ainsi mettre fin aux mots genrés.

L’alphabet et la grammaire française manquent d’inclusivité. Nous le savons depuis des années déjà. Outre les règles d’orthographe qui nous limitent, nous avons aussi appris que « le masculin l’emporte sur le féminin » pour accorder. Une petite phrase qui a pourtant le don d’en agacer plus d’une. Surtout qu’elle n’a pas de véritable logique. C’est pourquoi l’écriture inclusive, ou la règle du féminin neutre comme nous l’appliquons chez Meufer, sont de plus en plus répandues. Mais il n’est pas toujours simple d’accorder des mots en inclusif. Entre les points médians, les points bas, les tirets, et j’en passe, il est facile de s’y perdre.
Tristan Bartolini, étudiant à la Haute école d’art et de design de Genève (HEAD-Genève), a fait le même constat. Soucieux de la représentation de l’ensemble du spectre du genre dans l’alphabet, il a conçu dans le cadre de son diplôme un projet permettant d’allier inclusivité et lisibilité : « L’inclusif-ve ».
L’idée m’est tombée du ciel. Il y avait beaucoup de débats autour de l’écriture épicène [autre nom pour l’écriture inclusive, ndlr]. Elle devenait de plus en plus fréquente dans les documents administratifs, les publicités. Je me suis dit que ce n’était pas qu’une affaire de linguistes, que l’on pouvait amener des solutions graphiques
explique-t-il dans La Tribune de Genève.
Ouvrir notre langue aux mots non genrés
Au total, il a inventé plus de 40 caractères typographiques non genrés. Fini donc les « toustes », les « le/la », les « amoureux.euses » etc. Grâce à son nouveau système, le « e » et le « a » s’enlacent pour ne former qu’un. Tout comme le « x » et le « s ». Et ainsi de suite. Avec de simples traits et des ligatures, Tristan Bartolini ouvre donc notre langue à une multitude de mots non genrés. Permettant ainsi à chacune de ne plus se sentir exclue car toute notion de genre disparaît pour laisser place à ce qui est réellement important : la signification des mots.

Mais pour en arriver à ce résultat, il a fallu à Tristan Bartolini de nombreux mois de réflexions. D’autant que son maître mot était la visibilité : « Je voulais des caractères évidents, pratiques, faciles d’utilisation. J’ai opéré d’interminables allers-retours, en poussant l’expérimentation au plus complexe pour souvent revenir au plus simple », détaille le jeune homme au journal suisse.
Ne pas laisser notre alphabet limiter une nécessaire inclusivité
Sa réalisation lui a valu d’être l’heureux gagnant du prix Humanité 2020 lors de la cérémonie officielle qui s’est déroulée le 15 octobre dernier, au campus de la HEAD-Genève. Créé en 2015 par la Croix Rouge genevoise, le Comité international de la Croix Rouge et la HEAD-Genève, ce prix, doté de 5000 francs, est ouvert aux étudiantes ayant accompli au moins quatre semestres à la HEAD-Genève ainsi qu’aux titulaires d’un Bachelor ou Master datant de moins de cinq ans. Il récompense un projet qui allie élan artistique et engagement humanitaire, le tout avec sensibilité et succès.
Son alphabet capable d’exprimer tout le spectre du genre, Tristan Bartolini espère qu’il sera utilisé dans de nombreux secteurs. Car pour lui, il est important que tout le monde puisse s’identifier dans les mots. « Avec l’inclusif-ve, il nous est ainsi permis de se définir en tant que père, fils, parrain mais surtout en tant que femme. J’aimerais que ce projet ne soit qu’un début. Ce système de caractères peut s’adapter à d’autres polices d’écritures. J’ai simplement créé un outil de communication. D’autres pourraient l’utiliser pour faire passer un message », raconte le jeune typographe au quotidien suisse.
Certaines pourront rétorquer qu’il nous est impossible d’écrire ou même de prononcer ces nouveaux mots non genrés avec notre seul alphabet latin et ses 26 lettres. Et elles auraient raison. Pour autant, cela ne doit pas nous limiter dans notre volonté d’aller vers une société plus inclusive. Et ça, Tristan Bartolini l’a bien compris.