P. Mon adolescence trans : un roman graphique sombre pour éclairer la quête de soi 

Avec son roman graphique P. Mon adolescence trans, Fumettibrutti revient sur une période difficile de la vie : l’adolescence. Une période où l’on cherche à s’identifier, trouver sa place… Une quête d’autant plus difficile quand on doute du genre qui nous a été assigné à la naissance.

Aujourd’hui, c’est la journée internationale de visibilité transgenre, l’occasion rêvée de vous parler du dernier roman-graphique de l’auteure italienne Josephine Yole Signorelli, P. Mon adolescence trans. Un roman publié le 17 mars dernier, aux éditions Massot, et dont la une et les pages sont couvertes d’une encre jaune poussin. Un jaune aussi vibrant et lumineux que les expériences qu’elle sert à relater sont sombres et dérangeantes… Un jaune qui éclaire cette chose par laquelle on passe tou·te·s : la quête de soi. 

Ce roman-graphique signé Fumettibrutti est le troisième ouvrage de l’autrice-dessinatrice, le deuxième d’une trilogie sur son histoire. C’est le seul qui a été traduit pour l’instant (par Laurent Lombard). La version originale est sortie en 2019. « La honte du corps est quelque chose qui est instillé dans la tête de tous les enfants, garçons ou filles, peu importe », déclare-t-elle. Elle explique avoir créé cet ouvrage « pour aider les adolescents ». 

Dessiner pour surmonter l’insurmontable

La quête de soi est âprement plus difficile lorsqu’on ne correspond pas au moule binaire de la société. Quand on n’est pas ce que les autres veulent faire de nous, elle devient une lutte non seulement pour se trouver, mais aussi pour survivre. Pour surmonter l’insurmontable : le harcèlement, les violences sexuelles, les souffrances psychologiques… Le désamour. Car Fumettibrutti l’écrit, noir sur blanc sur jaune : « Je m’aime pas. » Et pourtant, « je fais tout pour attirer l’attention ». 

Sous le pseudonyme « Fumettibrutti », qui signifie littéralement « BD moche », P. nous raconte ses 15 ans, l’année du bac. Un calvaire. L’adolescence, ce moment de la vie durant lequel tout paraît plus intense : la solitude, les amours, les révoltes, les questionnements… Cette période où l’on se cherche, où l’on essaye de se définir malgré les autres. Ce qu’iels voient en P. ? Un garçon très efféminé, à qui on dit parfois « elle » parfois « il », lui-même ne semble pas trop savoir… Il porte des vêtements « de filles », provoque le regard des autres. Un corps et une identité ambivalente qui dérange, excite, réveille les fantasmes de certains, interrogent d’autres… 

Extrait de la BD P. Mon adolescence trans de Fumettibrutti

Ce livre pose de nombreuses questions. C’est quoi la transidentité ? Ça veut dire quoi « être une femme » ? Il faut quoi pour être aimé·e ? Déjà, survivre à l’adolescence, tracer les contours de qui l’on est. Tracer des contours, Josephine Yole Signorelli l’a toujours fait. Elle le montre dans ce roman graphique, sans fioritures. Elle se dessine en train de dessiner…  Entre deux soirées, entre deux joints, entre deux rapports sexuels, rarement tendres, souvent malaisants. 

Une mise en abyme qui ne souligne qu’une chose : à cette époque, « P. » doute de son identité, de son genre et, du coup, a du mal à s’accepter. Par un triste effet de ricochet, évidemment, les autres ne l’acceptent pas non plus. Tout est là, sur le papier jaune : des traits bruts, des formes crues, des mots violents. « Trans ». « Pédé ». « Salope ».  « Fille manquée. »

Transidentité et dysphorie de genre

Pas besoin d’être trans pour apprécier ce roman graphique. Pas besoin d’être queer. Même pas besoin d’être un·e ado, On n’a pas besoin d’être passé·e par le douloureux chemin que parcourt chaque ado transgenre pour avoir le bide qui se serre tout au long du livre de Fumettibrutti.

Avant, pour parler d’adolescence, de transidentité et de dysphorie de genre (sentiment de détresse ou de souffrance qui peut être exprimé parfois par les personnes transgenres), j’avais des chiffres. Des chiffres terribles : une étude de 2013 affirmait que parmi les personnes trans entre 16 et 26 ans, 69 % ont déjà pensé au suicide. C’est 49 points de plus que les jeunes  « en général ». Il faut dire que 50 % des personnes trans interrogées disent avoir été victimes de discrimination et/ou de violences à l’école. Quand on sait que certain·e·s dénoncent aujourd’hui une « épidémie d’ados trans » et que les thérapies de conversion ne sont interdites en France que depuis le 25 janvier 2022… On ne s’étonne pas. 

Un cri du cœur

Là, il n’y a plus seulement des chiffres. Il y a des faits. L’histoire de P., qui se considère comme « un jouet cassé », qui a des pensées suicidaires, qui laissent des personnes malveillantes lui faire du mal à défaut de savoir s’aimer. Mais comment on s’aime, quand la société, nous juge et nous rejette ? Comment on assume un corps et un genre qui ne reflète pas qui l’on est ? Et pourtant, P. a cette « chance » d’avoir une mère bienveillante qui finira par accepter sa transidentité. 

Rassurez-vous, P. Mon adolescence trans n’est pas que le témoignage graphique et un peu trash d’une ado dans la tourmente. Il est surtout un message d’espoir. Un message d’espoir jaune poussin, comme un cri du cœur enfin assumé, qui viendrait remplacer les cris qu’on laisse mourir en nous, la nuit. Un cri du cœur lancé au médecin que P., rebaptisée alors Yole, va voir pour commencer sa transition médicale. Un cri doux, enfin : « Je suis prête à vivre mon corps ».  

Clotilde Boudet
Clotilde Boudet

Tu vois la meuf qui parle de cul hyper fort en terrasse en mettant parfois ses voisins méga mal à l'aise ? C'est moi. Je m'appelle Clotilde, j'ai 27 ans, je suis parisienne et journaliste spécialisée dans le lifestyle (le style de la life quoi).

A 17 ans je pensais être une rebelle et finalement, je suis devenue un vrai cliché : j'aime plus Paris, je jardine, cuisine, médite, voyage. J'aime mon chat (sauf à 5h du mat, les proprio de félins savent...). Mais SURTOUT, j'aime écrire et débattre et croire qu'avec pas grand chose, chacun à son échelle, on peut changer le monde.

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