
Titiou & moi
Je ne peux sereinement commencer cet article sans vous faire une confession : j’ai une adoration pour le travail de Titiou Lecoq. Cette adoration, elle a commencé lorsque j’ai lu Chroniques de la débrouille (ou Sans télé, on ressent davantage le froid, pour les fans de la première heure). Pendant une courte semaine, mes trajets de métro se faisaient livre en main et hilare. J’étais un peu une recommandation bibliographique ambulante : les passagers me regardaient du coin de l’œil verser mes larmes de rire. Cette passion s’est transformée en culte hebdomadaire lorsque j’ai découvert que Titiou Lecoq rédigeait une newsletter pour Slate. Chez moi, la messe se fait donc le vendredi matin sur ma boîte mail (je vous somme de vous y inscrire illico). Quelques temps plus tard, mon idolâtrie a pris une tournure révolutionnaire grâce à l’ouvrage Le combat féministe se gagne devant le panier de linge sale (attention, ce livre va vous donner envie d’avoir un mari indolent à enguirlander). Bref, je pensais avoir atteint le climax de mon adulation quant Honoré et moi a été publié. Laissez-moi vous en faire une critique parfaitement partiale, subjective et limite fanatique.
Un looser attendrissant
Dans cet ouvrage, Titiou Lecoq nous raconte la vie d’Honoré de Balzac, mais attention sa vraie vie : celle d’un égocentrique poissard qui enchaîne échecs amoureux et fail professionnels. Exit l’éloge studieux de ce génie du réalisme, adios l’oraison littéraire de La Comédie Humaine, dans ce livre, Titiou Lecoq nous parle de l’homme qu’a été Balzac : un attendrissant looser aux idées complètement farfelues. Je l’ai appris en lisant ce livre : Balzac est l’antithèse de l’expression « apprendre de ses erreurs ». Son acharnement insensé rend sa biographie drôlissime et touchante. « Parce qu’il a réussi sa vie en passant son temps à la rater, Balzac est mon frère » écrit l’autrice.
Balzac et les femmes
Mais Titiou Lecoq ne dissèque pas seulement la mauvaise fortune de Balzac, elle met en lumière les femmes qui l’ont aimé, soutenu et surtout sorti du pétrin. Car, on nous le dit peu (pas du tout) sur les bancs de l’école, mais Balzac sans le dévouement de sa mère, de ses amies, de ses amantes, n’aurait pas fait long feu. Par exemple, la mère de Balzac, souvent décrite comme hystérique et pingre par les critiques (masculins) littéraires, s’est avérée être un soutien moral et financier crucial dans la vie de l’auteur. Idem pour son premier grand amour, Antoinette de Berny (qu’il rebaptise « Laure » sans trop lui demander son avis) et qui jouera le rôle de conseillère et relectrice pendant de longues années. Mais ma figure féminine favorite reste Zulma Carraud, la BFF de Balzac auprès de qui il se plaint de ses déboires amoureux et financiers, et qui finit par lui passer un super savon dans une lettre jouissive.
Vous l’aurez compris, Balzac est un grand amoureux des femmes, pas des femmes de roman, lisses et utopiques, mais des femmes en chair et en os, celles qui « étouffent ». C’est pour cela que « contrairement à l’écrasante majorité des hommes de son temps – et des générations suivantes -, il {Balzac} a vu les femmes telles qu’elles vivaient. » écrit Titiou Lecoq. Et en effet, du plus loin que remontent mes lectures balzaciennes, je me souviens que les personnages féminins sont des protagonistes forts, révoltés et dotés d’une étoffe qui les rend palpables. On pense à Eugénie Grandet, à Delphine de Nucingen, à la cousine Bette. Comme le fait remarquer l’autrice, les personnages ne semblent pas modelés par un regard masculin. C’est sans doute cela ce qui les rend, avec Balzac, immortels.