
Comme le titre l’indique, aujourd’hui nous allons parler de féminisme intersectionnel.
Oui je sais le mot fait peur au début mais ne vous en faites pas, tout se passera bien. Avant de comprendre ce qu’est le féminisme intersectionnel il faut d’abord comprendre le concept de l’intersectionnalité. C’est là que Kimberlé Crenshaw entre en scène. Cette ancienne élève de Cornwell et Harvard, aujourd’hui professeur de droit à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA) ainsi qu’à la faculté de droit de Columbia a été la première à développer le concept de l’intersectionnalité dans son livre «Demarginalizing the Intersection of Race and Sex : A Black Feminist Critique of Antidiscrimination Doctrine, Feminist Theory and Antiracist Politics » écrit en 1989.
L’intersectionnalité est alors définie comme un outil qui permet de créer un cadre pour mieux montrer que les discriminations peuvent se recouper, se croiser, créer des intersections. Professeure Crenshaw prend l’exemple d’une procès se déroulant devant un tribunal américain. Une femme noire, Emma DeGraffenreid, se dit victime de discrimination sexuelle et raciale suite à un refus d’embauche de la part d’une usine de construction automobile. Le tribunal ne reconnaîtra pas qu’il y a eu une double discrimination en utilisant les arguments selon lesquels l’usine en question embauchait bien des personnes noires et des femmes, et que par déduction -donc au feeling- Emma DeGraffenreind ne pouvait pas être victime de discrimination raciale et sexuelle. Le problème est que l’usine n’embauchait que des hommes noirs et que des femmes blanches, ici le tribunal a complètement exclu les femmes noires de son raisonnement.
Avec l’intersectionnalité, l’objectif est de reconnaître qu’un individu appartenant à un groupe subissant plusieurs formes de discriminations simultanément doit être protégé justement parce qu’il appartient à ce groupe, dont il est/va être avéré qu’il combine plusieurs caractéristiques qui peuvent être la base de discriminations. Nous pouvons prendre l’exemple des femmes noires qui cumulent racisme et sexisme, les femmes musulmanes qui combinent islamophobie, sexisme et souvent aussi de racisme ou encore les femmes transgenres qui vont subir un mélange de transphobie et de sexisme. Je vous laisse trouver les autres combinaisons magiques.
Le rapport avec le féminisme ?
Rapporté au féminisme cette logique se traduit par l’obligation de reconnaître que le combat féministe doit agir en prenant en considération que toutes les femmes ne peuvent pas uniquement être définies par leur statut de femme, mais bien par une multitude d’autres caractéristiques qui peuvent engendrer des discriminations qui vont s’ajouter et se fondre à une discrimination sexuelle.
Le but est alors de développer un féminisme qui ne serve pas uniquement la cause des femmes blanches, cisgenre et hétérosexuelles appartenant aux classes moyennes ou supérieures, et si vous faites partie de cette catégorie de femmes il est impératif de ne pas tomber dans le ressentiment. Il ne faut pas imaginer que si le féminisme est intersectionnel, alors vous serez désavantagée parce que quelqu’un pourra plaider une discrimination basée sur plusieurs critères alors que vous, uniquement sur le critère de la discrimination sexuelle. Il est plutôt question du fait que la première personne devra dénoncer plusieurs catégories de discriminations pour arriver au même résultat que vous.
En fait, l’objectif c’est qu’un jour plus aucune de vos amies ne rigole à moitié en se plaignant de cumuler les boulets parce que je cite : « Je suis une femme, je suis pas hétéro, je suis arabe, je suis musulmane, il ne manquerait plus que je perde mes jambes et c’est fini pour moi… ». Vous noterez ici qu’elle a encore ses jambes et ça c’est cool parce que pour le coup certaines ne les ont vraiment plus et alors là… Intersectionality entered the chat x1000.
Le féminisme peut-il se passer de l’intersectionnalité ?
Se passer de l’intersectionnalité voudrait dire que le féminisme ne rechercherait pas l’égalité entre les genres mais l’égalité entre les majorités. Les autres… qu’elles se démerdent, alors nous ne vaudrions pas mieux que notre société puisque finalement nous ne chercherions qu’à créer une société tout aussi intolérante.
Mais…. cela n’empêche par certains courants dit “féministes” de se baser sur l’exclusion de certaines minorités évoquées précédemment. On pourrait prendre l’exemple des mouvements dit TERF (Trans-exclusionary radical feminist) qui militent pour l’exclusion des personnes transgenre des combats féministes et qui, plus généralement, ne les reconnaissent pas en tant que personnes trans. En effet, elles lient directement le genre au sexe reprenant ainsi, directement ou non, des codes du masculinisme. Somme toute pas très féministe comme histoire… Ou devrais-je dire : pas très féministe intersectionnel !