Qu’est-ce que le masculinisme ?

TW : féminicide, viol

Si la définition du féminisme fait globalement consensus, ce n’est certainement pas le cas de son pendant sémantique, le « masculinisme ». Outre un aspect médical sur lequel nous passerons ici, le masculinisme est un terme apparu au début du 20ème siècle dans des ouvrages anglophones, et plus fréquemment employé à partir des années 1980.

Un mouvement en opposition avec le féminisme

On distingue deux principales définitions du masculinisme D’un côté, le masculinisme  miroir du féminisme, entend dénoncer des éléments discriminatoires envers les hommes. Il y aurait selon les masculinistes un déséquilibre entre les conditions masculines et féminines penchant en faveur des femmes, notamment en ce qui concerne le droit des pères face à l’augmentation du nombre de divorces. Un rapport de 2016 du ministère de la justice a révélé qu’en ce qui concerne la résidence des enfants après séparation de leurs parents, les demandes des pères sont satisfaites dans 93% des cas (96% pour les mères).

De l’autre,  le masculinisme s’est également construit en opposition au mouvement féministe, défendant la position dominante des hommes dans la société en se basant sur des préconçus essentialistes assignant des fonctions à chaque genre. Ce courant antiféministe s’inscrit en riposte des progrès de la condition des femmes et entend maintenir des privilèges masculins. Le masculinisme est ainsi un courant réactionnaire, dont l’idéologie politique se situe souvent dans la droite conservatrice ou l’extrême droite.

L’un des thèmes majeurs du masculinisme est la crise de la virilité, théorie selon laquelle les hommes se verraient retirer des propriétés typiquement masculines telles que l’autorité ou la force. Julien Rochedy, président du Front national de la jeunesse de 2012 à 2014, a fondé en 2017 l’école Major dont l’objectif est d’apprendre aux hommes à « être et rester des hommes ». Version catholique, le Camp Optimum se donne pour mission d’accompagner les hommes dans « le voyage de la masculinité ». Comme l’explique également l’anthropologue Mélanie Gourarier dans un débat avec la philosophe Bérénice Levet : 

 l’un des bastions de la résistance masculine à l’égalité des sexes est celui de la séduction, car c’est dans ce champ que s’exprime le plus la peur de l’indifférenciation sexuelle.

La promotion de codes de séduction jugés virils se situe en effet au cœur des thèses masculinistes des dernières décennies. De nombreux programmes de coaching en séduction ont également vu le jour ces dernières années en France, inspirés du phénomène des « Pickup artists » ou « Communauté de la séduction », qui entend réhabiliter la masculinité en façonnant des séducteurs d’exception.

Incels, MGTOW et compagnie…

Parmi les courants masculinistes, les Incels (« INvoluntary CELibate » à traduire par « célibataires involontaires ») jugent les femmes responsables de leur incapacité à trouver une partenaire romantique ou sexuelle. Cette communauté de jeunes hommes hétérosexuels se réunit sur Internet pour partager la frustration de se voir refuser des faveurs sexuelles par des femmes aux mœurs souvent jugées légères, mais qui se tourneraient systématiquement vers un profil de « mâles alpha ». Cette rage a conduit certains Incels aux féminicides ou aux tueries de masse, comme celles d’Isla Vista en 2014 ou de Toronto en 2018. On retrouve également de nombreux appels au viol dans cette communauté.

En parallèle  des Incels, le mouvement « Men Going Their Own Way » (MGTOW, ou en français « hommes suivant leur propre voie”) revendique un célibat volontaire. Les membres de cette communauté misogyne, formée au début des années 2000, se soustraient à des interactions hommes-femmes jugées en leur défaveur, estimant protéger leurs intérêts notamment financiers de femmes manipulatrices.

On retrouve également le mouvement des « Men’s Rights Activists (MRA) » ou « mouvement des droits des hommes », créé dans les années 1970 et porté par l’américain Warren Farrell, pourtant ancien activiste féministe et membre de la « National Organization for Women » (Organisation nationale pour les femmes).

Actuellement, on voit fleurir sur les réseaux sociaux une recrudescence d’attaques masculinistes virtuelles (ou “raids”) à l’encontre de journalistes ou de militantes féministes, ayant souvent pour conséquence la clôture de leur compte.


Pour aller plus loin :

Dupuis-Déri F. Le « masculinisme » : une histoire politique du mot (en anglais et en français). Recherches féministes 2009; 22(2): 97–123

Deux épisodes du podcast « Les couilles sur la table » de Victoire Tuaillon (@vtuaillon) chez Binge Audio :
Contre la rhétorique masculiniste
Il n’y a pas de crise de la masculinité

Daphné V.
Daphné V.

Scientifique le jour, littéraire la nuit, je suis férue de lecture, d'arts et d'écriture.

Fraîchement débarquée à Nantes après 5 ans à Washington D.C. J'aime le ping-pong, les concerts et les apéros en terrasse. Toujours un podcast à te conseiller.

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