Après la Seconde Guerre mondiale, les organisations féministes existantes se font vieillissantes et ont du mal à recruter des jeunes. Encore centrées sur le droit de vote, après son obtention elles peinent à se rassembler autour d’un sujet central. Quelques associations perdurent mais ne créent plus de mouvements comme lors de la première vague.
Merci Simone ❤️
Avec la publication du Deuxième Sexe en 1949, le féminisme connaît un nouveau souffle : ce sont les « années Beauvoir ».
Née en 1908 dans une famille bourgeoise qui fait faillite, Simone de Beauvoir fait des études brillantes et obtient une agrégation de philosophie en 1929. Son premier roman L’invité, paru en 1943, connaît déjà un certain succès. Elle participe aussi à la revue littéraire, politique et philosophique fondée en 1945 : Les Temps Modernes. Elle est très proche de l’existentialisme et fréquente les milieux intellectuels parisiens.
Avec le Deuxième Sexe, elle tente de répondre à la question « qu’est-ce qu’une femme ? » à travers deux tomes, le premier parle de biologie, d’histoire et de mythe alors que le second revient sur la construction d’une femme de l’enfance à la vieillesse via des témoignages, des études psychiatriques ou encore des revues de littérature.
Simone de Beauvoir ne se revendique pas comme féministe car cela renvoie aux associations suffragistes de la première vague. Elle est socialiste et défend cette vision dans son ouvrage, convaincue que l’émancipation féminine ne pourra se réaliser que dans une société socialiste.
Elle évoque la question de la maternité en remettant en cause l’idée de l’instinct maternel et en prônant une contraception libre et l’avortement inclu. Un chapitre entier est consacré à la sexualité des femmes où elle évoque la question du plaisir et de l’homosexualité féminine. C’est ce chapitre, publié sous forme de bonnes feuilles dans Les Temps Modernes, qui fait particulièrement scandale. Simone de Beauvoir a réussi à faire de la sexualité des femmes un sujet de philosophie intégré aux réflexions actuelles.

Elle est soutenue par les existentialistes de l’époque mais les intellectuels de droite vont fortement s’opposer à cet ouvrage. En particulier François Mauriac qui écrit dans le Figaro et le Figaro Magazine qui trouve que l’ouvrage est « à vomir » et qu’il n’a pas sa place dans une revue philosophique.
Le Deuxième sexe est également très critiqué par communistes puisqu’il est écrit par une bourgeoise qui ne pourrait apparemment pas comprendre la condition des classes populaires.
Malgré ces critiques, le livre rencontre un succès populaire. Le Deuxième Sexe est vendu à 20 000 exemplaires dès la première semaine après sa sortie. Il est traduit dans plusieurs langues même si certains éditeurs retirent les passages jugés polémiques.
Toute une génération d’intellectuelles nées avant la Première Guerre Mondiale ou durant l’entre-deux guerres est marquée par cette pensée Beauvoirienne. Elle a aussi été lue par des jeunes femmes qui la découvrent dans les années 1960 et qui participeront au mouvement féministe des années 1970.
Le combat pour le droit à la contraception
Si l’on appelle cette époque « le creux de la vague », le mouvement féministe n’est pas mort pour autant : il existe des revendications montantes pour la contraception dès les années 1950. Le mouvement conteste vivement la loi de 1920 qui visait à interdire la vente de produits contraceptifs, sa propagande et l’avortement. Une loi votée après la Première Guerre Mondiale dans un but de réponse à l’angoisse démographique de la perte humaine due à la guerre.
Hautement problématique, cette loi ne permet pas d’utiliser la contraception. Ainsi, de nombreux avortements clandestins ont lieu dans des conditions médicales douteuses, mettant en danger la santé des femmes.
En 1956 est créé l’association La Maternité Heureuse par la gynécologue Marie-Andrée Lagroua Weil-Hallé. Elle souhaite que les enfants arrivent à un moment choisi par leurs mères. En 1960, La Maternité Heureuse devient le Mouvement Français pour le Planning Familial avec des antennes partout en France. En 1961, les premiers centres de planning sont ouverts. Ils distribuent des informations sur la contraception et des contraceptifs (spermicides et diaphragme).
Ce n’est que quelques années plus tard, en 1967, que la Loi de Neuwirth autorise enfin la contraception et permet de mettre fin au calvaire de toute une génération de femmes n’ayant pas le choix d’enfanter.
Lire les articles de la série :
1. Féminisme de la première vague : l’émergence d’un mouvement pour le droit des femmes (1848-1900)
2. Féminisme de la première vague : l’âge d’or du mouvement suffragiste au Royaume-Uni (1900 – 1914)
3. Féminisme de la première vague : la lutte pour le droit de vote en France
4. Féminisme de la deuxième vague : creux de la vague et renouveau du féminisme
Bibliographie
FRAISSE Geneviève, Hubertine Auclert : Pionnière du féminisme, 2007
CHAPERON Sylvie, Les années Beauvoir (1945-1970), 2000
Documentaire : Michèle Dominici, Les Suffragettes, ni paillassons, ni prostituées