La première fois que je suis tombée sur le terme de « féminisme libertaire », je n’ai pas très bien compris. Le brouillard s’est un peu dissipé lorsque Google m’a proposé « anarcha-féminisme » (ou « anarcho-féminisme ») comme synonyme. Mais, de nombreuses zones d’ombres subsistaient encore autour de ce courant du féminisme. Cet article est là pour toutes les personnes qui, comme moi, sont curieuses d’en apprendre davantage sur le mouvement féministe et ses variantes.

Avant toute chose, petite vulgarisation des termes clefs pour bien comprendre la notion de féminisme libertaire :
- Féminisme : ensemble des mouvements et pratiques sociales qui défendent l’égalité des droits entre les genres et luttent contre les oppressions que subissent toutes les femmes, les minorités de genre et les minorités d’orientations sexuelles
- Personne libertaire : partisane de la liberté absolue, anarchiste
- Anarchisme : mouvement social visant l’abolition des institutions dominantes ; qu’elles soient capitalistes, patriarcales, racistes, colonialistes, hétérosexistes, etc. Il n’est pas synonyme de chaos mais de restructuration complète des fondements de nos sociétés pour instaurer une autogestion entre tous les êtres humains
L’anarcha-féminisme en quelques mots
Celles étant familières des théories de l’anarchisme social et du féminisme se sont sans doute rendues compte de leurs nombreuses similitudes. « Les deux mouvements considèrent les inégalités sociales et économiques comme une conséquence directe du pouvoir institutionnalisé et œuvrent à la liberté individuelle au sein d’un contexte collectif », indique en effet le sociologue américain Howard J. Ehrlich dans son essai Toward a General Theory of Anarchafeminism.
Pour faire simple, l’anarcha-féminisme est une branche du féminisme qui considère la domination des hommes sur les femmes comme l’une des premières manifestations de la hiérarchie dans nos sociétés. Il s’agit d’une idéologie à la croisée des idées féministes et anarchistes.
Puisque l’anarchisme est une philosophie politique opposée à toute relation de pouvoir, il est intrinsèquement féministe.
Susan Brown, théoricienne anarchiste.
Une anarcha-féministe est donc, par définition, contre le patriarcat et le sexisme mais plus largement contre les discriminations et oppressions de toutes sortes. Ce courant de pensées se caractérise par son refus des hiérarchies (entre personnes mais aussi entre institutions et luttes sociales) avec l’idée de créer des formes d’organisations autogérées afin de limiter les prises de pouvoir ou de domination.
Et, contrairement à d’autres mouvances féministes qui induisent parfois une libération d’une seule catégorie de personnes au détriment des autres, l’anarcha-féminisme démontre qu’il faut lutter contre des causes diverses (économiques, culturelles, raciales, politiques, etc.) pour combattre le patriarcat à l’échelle globale afin de ne pas recréer une hiérarchie entre personnes discriminées.
Né dans les années 30 mais développé dans les années 60-70
Ce mouvement apparaît pour la première fois en Espagne à la fin des années 30. A cette époque, l’organisation Mujeres libres (Femmes libres) voit le jour. Ce groupe de militantes est complètement autonome et composé uniquement de femmes (il en regroupait pas moins de 20 000 durant la guerre civile espagnole).
La non-mixité est une autre caractéristique des organisations anarcha-féministes. Dans son essai « L’anarcha-féminisme », Gabrielle Fiore explique ce choix ainsi : « Autant pour rompre avec les institutions patriarcales que pour instaurer une autogestion féministe, la non-mixité est primordiale. Elle était considérée comme nécessaire par ces femmes qui ne se disaient même pas féministes à l’époque. »
L’anarcha-féminisme se développe par la suite dans les années 60-70 en s’appuyant sur des autrices ayant vécu entre le 18e et le 20e siècle telles qu’Emma Goldman, Louise Michel, Mary Wollstonecraft ou encore Voltairine de Cleyre.
Ce mouvement n’a jamais pris beaucoup d’ampleur à lui seul. Il reste assez peu connu alors même qu’en 1992 a eu lieu la Rencontre internationale anarcha-féministe à Paris, organisée par la Commission Femme de la Fédération anarchiste.
Malgré sa faible reconnaissance, cette idéologie a réussi à traverser le siècle dernier et est aujourd’hui encore présente sous de nombreuses formes : le collectif bolivien Mujeres Creando, le collectif québécois Ainsi Squattent-Elles ! ou encore le squat espagnol Eskalera Karakola se réclament de anarcha-féminisme.
Finalement, le féminisme libertaire est assez simple à comprendre. Cette idéologie repose sur un principe d’égalité entre toutes auquel nous pouvons qu’adhérer. Fort à parier alors que nombre d’entre nous sont anarcha-féministes sans même le savoir…
Sources :
- https://www.liberation.fr/debats/2018/11/15/nuit-de-la-philo-pour-un-anarcha-feminisme_1692047
- http://theories.feministes.pagesperso-orange.fr/partie%205/5-II.htm
- http://www.rgfcn.org/que-faisons-nous/courants-feminisme/les-courants-du-feminisme
- https://rebellyon.info/L-anarcha-feminisme-oui-et-non
- https://refractions.plusloin.org/IMG/pdf/2405.pdf
- https://iresmo.jimdofree.com/2014/04/20/elements-sur-l-anarcha-f%C3%A9minisme/