Aujourd’hui, j’ai décidé d’écrire cette lettre ouverte pour toi, mon petit frère, plus vraiment si petit, seulement pour te faire comprendre à quel point tu te dois d’être un associé pour nous les femmes, pour te dire à quel point tu as été un allié, tu es un allié et tu seras toujours un merveilleux allié.
Je n’ai pas peur de te dire à quel point, je t’aime et à quel point je te vois grandir avec un regard si tendre et fier, pour ce que tu peux incarner. Tu peux être doux, rassurant, gentil, attentif et généreux. Tu as tes faiblesses comme nous tous, visibles pour certaines et masquées pour d’autres. Même-si moi, tes failles, j’ai pu les voir, les vivre, les accompagner parfois, mais aussi, passer à côté.

Tu n’as pas eu ce qu’on pourrait appeler l’enfance parfaite, souvent bousculé, ébranlé dans ta façon d’être pour ce que tu pouvais représenter. L’image d’un homme féminin. Tu as pu être catalogué pour ta sensibilité, ton côté rêveur et tout simplement ton envie d’être toi. Mais crois-moi, c’est ce qui te rend plus fort et qui a construit l’homme que tu deviens aujourd’hui. Ces regards, tu les as mal vécus, je le sais et j’écris donc ces mots pour le petit garçon que tu étais, que j’ai parfois eu du mal à saisir ou à porter sur mes épaules.
L’image que j’avais d’un homme était celle d’un homme puissant, fort, protecteur et tu as renversé ce cliché construit par notre entourage. Et cela a probablement été le plus beau et important bouleversement de l’image des hommes que j’ai pu recevoir, venant de toi, petit bonhomme. J’ai pu te voir pleurer, craquer, j’ai pu te sentir sur mon épaule, sentir ta main dans la mienne, tout comme tu as pu me voir dans ces mêmes états, sans que chacun ne juge l’autre ou ne le confronte au rôle qu’il devait tenir et jouer.
Avec toi et pour toi, d’une certaine manière, j’ai commencé à comprendre la place de la femme, mais aussi celle de l’homme. Une femme, ce n’est pas seulement celle qui tient le foyer, ce n’est pas le sexe de la peur, c’est bien plus complexe que ça. Un homme n’est pas forcément fort, un homme peut pleurer, s’émouvoir, exprimer ses sentiments, s’habiller comme il le souhaite et bien d’autres choses, sans forcément être mis dans une case concernant sa sexualité.
Le féminisme pour toi, je le sais, est une notion définie et calée sur le modèle que tu as pu avoir. L’exemple que tu as eu est celui d’une femme forte, qui remplit le cahier des charges, sur qui repose l’intégralité, ou presque, de toutes les responsabilités physiques ou mentales : notre mère. J’aimerais que tu l’aides au quotidien, que tu comprennes à quel point ton rôle d’allié commence à la maison, auprès de celle qui t’a donné la vie, j’aimerais que tu sois plus conscient, que cela devienne un réflexe chez toi d’assurer la continuité de son travail acharné et de le voir comme un acte naturel. Tu n’as pas reçu une éducation particulièrement féministe et sans mes coups de gueule sur la charge mentale, sur la place des femmes et bien d’autres sujets, tu ne prendrais pas forcément conscience de l’importance d’avoir cette approche du féminisme.
Souvent mis à mal dans ton identité d’homme, je sais que le féminisme reste parfois encore un peu flou pour toi. Dans leurs environnements sociaux, beaucoup d’hommes se sentent agressés quand on prononce le mot interdit : féminisme et je suis un peu fatiguée de devoir expliquer à quel point il est fondamental de l’être pour avoir une société saine, même si je sais plus que tout que la prise de conscience n’est pas forcément évidente. Cet éveil a été, chez moi, tardif avec toutes les déconvenues que cela implique. Et j’aimerais sincèrement que cette prise de conscience te percute comme elle a pu le faire avec moi. Le féminisme deviendra une évidence crois-moi.
Malgré tout, tu as cette vision des femmes qui m’émeut parfois, qui me rend fière, qui me redonne un peu d’espoir aussi, car on ne peut pas dire que j’en croise beaucoup des hommes comme toi.
Donc, petit frère, cette lettre est aussi un peu une invitation, je t’invite à être féministe, pour les femmes, et avec les femmes, qui parfois pourront t’agacer avec ça, mais je t’invite à les écouter attentivement, à comprendre le désarroi de la violence qui existe bel et bien envers les femmes et les êtres dits féminins, je t’invite à ne jamais te braquer quand une femme exprimera ses sentiments, ses sensations, je t’invite à faire en sorte que la rue ne soit plus un milieu hostile pour nous, que la nuit deviennent synonyme de fête et non d’angoisse, je t’invite à apprendre sur la complexité de nos corps, à ne pas juger, refuser, forcer une femme qui dira non, je t’invite à embrasser les changements, autant que l’amour que tu nous portes.